Les Majors à l’assaut de la musique en ligne

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Tous les professionnels de l’édition musicale se retrouvent actuellement au Midem à Cannes. Outre les traditionnels marchandages, rituels dans ce genre de manifestation, on va aussi beaucoup parler de MP3, de copie et de droits d’auteurs. La révolution numérique change la donne et en fait frémir beaucoup. Les majors du disques sortent leur arsenal de défense.

Face à la dématérialisation progressive de la musique, et des problèmes de droit d’auteurs qu’elle engendre, les grands tenants de l’industrie musicale se devaient de réagir sous peine de voir disparaître une partie de leur juteux fond de commerce. Première étape de cette contre-offensive, l’établissement d’une taxe forfaitaire sur les supports numériques vierges (voir édition du 6 décembre 1999). Le projet est toujours au point mort, mais les grandes Majors ainsi que le SNEP (Syndicat National des Editeurs Phonographiques) font pression sur les autorités afin que cette redevance voit le jour rapidement. Une telle taxe est déjà en vigueur au Canada, mais dans une proportion beaucoup plus faible que ce qui est proposé en France. Sur chaque CD-R vierge, ce n’est en effet que 5,2 cents canadiens (soit 23 centimes) qui sont reversés aux artistes et non près de 13 francs comme le réclament certains producteurs hexagonaux…

Deuxième angle d’attaque des maisons de disques, les sites de distribution de musique en ligne, avec comme première cible MP3.com et son nouveau service My.MP3.com (voir édition du 13 janvier 2000). Ce service propose en effet aux internautes de télécharger gratuitement n’importe quel morceau, du moment que l’on en a déjà fait l’acquisition soit en ligne auprès de disquaires associés, soit chez un vendeur traditionnel. Le service vérifie que le CD contenant le morceau téléchargé est bien dans le lecteur de votre PC ou que vous êtes bien acquitté de l’achat auprès des sites marchands associés. Devant le flou artistique des méthodes de vérification mises en place par MP3.com (comment vérifier que le CD dans le lecteur est bien le vôtre et pas celui de votre voisin), la RIAA (Recording Industry Association of America), qui regroupe les intérêts des Majors, a décider de poursuivre en justice le site afin de faire interdire ce service. Précédemment, la RIAA avait déjà entamé une action similaire contre les créateurs du logiciel et du site Napster, qui permet d’échanger en ligne des fichiers MP3, quelle que soit leur provenance.

Troisième volet du réveil des maisons de disques, les dispositifs anti-copie. Les Majors souhaitent en effet mettre en place un arsenal technique dissuasif pour empêcher la gravure des CD audio. Le marché des disques copiés est en plein essor et à coté des lycéens qui gravent les derniers albums de Mariah Carey ou des BoyZone pour se faire de l’argent de poche, une véritable industrie de la contre façon s’est mise en place, principalement en Asie du Sud-Est. A titre indicatif, d’après certains analystes, un CD vierge sur dix servirait à produire des copies d’albums musicaux. Là aussi, des actions judiciaires ont été entamées et les premiers jugements déjà rendus. Mais la principale mesure dissuasive resterait encore l’impossibilité physique de copier. Et là tout le monde n’est pas d’accord. Philips, en particulier, co-inventeur avec Sony du format CD, ne voit pas cela d’un très bon oeil, le constructeur hollandais proposant au grand public une large gamme de graveurs. D’autre part, Philips ne possède plus de division musicale, sa filiale Polygram ayant été cédée l’an dernier au canadien Seagram, déjà possesseur de la major Universal. La copie pirate fait donc partie de son chiffre d’affaires…

On le voit, les Majors ne manquent tout de même pas d’armes pour se défendre. La plus efficace restant peut-être la concentration. La dernière en date, le rapprochement d’EMI et Warner Music, qui venait déjà de passer dans le giron d’AOL (voir édition du 10 janvier 2000), ne fait que confirmer la stratégie employée. Puisque la musique va de plus en plus tendre vers la distribution en ligne, mieux vaut également maîtriser les tuyaux. La réflexion d’AOL va sûrement faire des émules. A terme, c’est non seulement le marché de la musique mais aussi celui des autres oeuvres artistiques (Films sur DVD en particulier) qui est sûrement concerné.

Pour en savoir plus:

*Le site de MP3.com

*Le site de Napster

*Le site français de EMI