Les sociétés américaines contre la vie privée

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Réunis au sein de la Online privacy alliance, les grands acteurs des nouvelles technologies s’élèvent contre un projet de loi américain de protection de la vie privée sur Internet. Les critiques s’accumulent alors que dans un même temps la directive européenne de protection des données a bien du mal à se faire accepter outre-Atlantique.

La semaine dernière, le Sénat américain a adopté un projet de loi qui restreint les possibilités de revente de bases de données par les entreprises en faillite. La pratique telle qu’elle est encore autorisée choque : parce qu’elle a mis la clé sous la porte, une société peut en effet revendre ses fichiers à une autre à l’insu de ses clients. C’est ce que voulait faire Toysmart.com, une filiale de Disney, avant d’en être empêchée. Le projet de loi durcit les conditions d’une telle vente en la réduisant à une société travaillant sur le même secteur d’activité. De plus, les clients devront avoir été informés lors de leur enregistrement pour que la société puisse vendre leurs informations. Si ce n’est pas le cas, seul un juge pourra autoriser la vente.Ce vote intervient après des auditions organisées début mars par un groupe de travail de la Federal trade commission (FTC) américaine, en préparation d’une nouvelle loi réglementant l’exploitation des données personnelles sur Internet. L’un des invités représentait la Online privacy alliance (Opa), une association regroupant plus d’une centaine d’associations et de grands acteurs des nouvelles technologies tels Real Network, Microsoft, AOL, Intel, Apple, Compaq, IBM ou encore Yahoo. Christine Varney, la conseillère de l’Opa, s’est vivement opposée à toute législation qui encadrerait l’emploi de technologies spécifiques comme les web bugs (encore appelés gifs invisibles, voir édition du 18 septembre 2000). « C’est le comportement des sociétés et non celui des technologies qu’elles utilisent qui détermine si la protection de la vie privée est respectée ou non », a souligné Christine Varney, « il existe des pratiques qui améliorent le respect de la vie privée, d’autres sont intrusives, mais la technologie elle-même est neutre. » Les auditions se concentraient surtout sur l’emploi des cookies et des web bugs.Vie privée ou économies…Les membres de l’Opa appuient leur discours par des études, disponibles sur leur site, qui cherchent à démontrer que renforcer le respect de la vie privée nuirait aux consommateurs. « Le partage d’informations permet aux consommateurs de 90 institutions de services financiers (représentant 30 % des revenus de l’industrie) d’économiser 17 milliards de dollars par an (195 dollars par personne et par an) et 320 millions d’heures par an (4 heures pour un foyer moyen) », peut-on ainsi lire dans l’un des documents.Face à eux, les défenseurs des libertés individuelles réclament une législation plus contraignante. Junkbuster, une organisation qui se bat contre le spam et le télémarketing, a demandé à 66 sociétés utilisant des bases de données de consommateurs de lui en fournir des exemples pour préparer les auditions devant la FTC. Seules 8 lui ont répondu de manière plus au moins positive, les 58 autres ont refusé de fournir ces informations. Parmi les réfractaires, la Direct marketing association, la Privacy leadership initiative ou encore Acxiom, une société spécialisée dans le commerce de données sur les consommateurs. « Nous voulions que les entreprises soient transparentes et honnêtes sur les profils individuels qu’elles détiennent », a expliqué le président de Junkbuster, Jason Catlett, cité par TechWeb, « elles ont refusé et la seule conclusion que l’on peut en tirer c’est qu’elles ont quelque chose à cacher. »