Licence légale P2P : une proposition de loi inapplicable

Mobilité

Selon la Ligue Odebi et EUCD.info, la proposition de loi visant à légaliser les échanges de fichiers est incompatible avec une directive européenne.

La proposition de loi du député (UMP) Alain Suguenot autour de l’instauration d’une licence légale sur les échanges en lignes (voir édition du 2 septembre 2005) n’a pas manqué de susciter quelques réactions du côté des mouvements associatifs. Rappelons que le texte présenté le 13 juillet dernier vise « à placer dans un cadre légal les millions d’internautes […] qui partagent de la musique, des oeuvres audiovisuelles, des images et des photographies en ligne et, d’autre part, à prévoir un mode rémunération pour toute la chaîne de création artistique ».

Une mesure qui, pour EUCD.info (une initiative de la branche française de la Free Software Foundation),

« va dans le bon sens dans la mesure où elle prend en compte la réalité des usages ». Mais, outre les « quelques interrogations quant à sa mise en oeuvre », EUCD.info estime que la proposition du député est totalement biaisée car elle reviendrait à faire payer à deux reprises la redevance sur la copie privée. « Une fois pour le flux permettant d’obtenir la copie, une fois pour le support permettant de la stocker », souligne l’initiative dans son analyse.

Il faut savoir que l’exception de copie privée, qui permet de reproduire à des fins personnelles et dans un cadre restreint des oeuvres protégées par le droit d’auteur, s’applique déjà sous forme d’une taxe sur la quasi-totalité des supports de stockage analogiques et numériques (CD/DVD, baladeurs numériques, cartes mémoire Flash…) mais pas encore sur les disques durs des PC. Elle devrait rapporter 200 millions d’euros en 2005, ce qui en fait la taxe « la plus élevée d’Europe », souligne EUCD.info.

Un moindre mal

Mais la taxation de la bande passante serait un moindre mal en regard du projet de loi qui vise à transposer la directive Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). Maintes fois repoussée, cette future loi, qui devrait être examinée avant la fin de l’année, prévoit notamment d’interdire le contournement des protections numériques, y compris dans le cadre de l’usage de la copie privée. Autrement dit, si tant est qu’elle soit acceptée, la proposition d’Alain Suguenot serait incompatible avec la loi DADVSI. Ce qui fait dire à EUCD.info que « le député Suguenot propose bien de faire payer le même droit deux fois au public… mais sans pour autant chercher à lui garantir qu’il pourra l’utiliser en pratique ne serait-ce qu’une seule fois ! »

Une analyse partagée par la Ligue Odebi qui n’hésite pas à porter une charge virulente. « Vouloir étendre la taxe copie privée au moment même où la France devrait transposer une directive européenne (EUCD) légalisant des dispositifs anti-copie (et en pratique anti-usage) est un véritable affront à l’intelligence des Français : leur demander de payer pour un droit qu’on leur interdirait reviendrait à légaliser un racket mafieux. » Pour Odebi, comme pour EUCD.info, il aurait été plus honnête de la part du député auteur du projet de loi de demander le retrait des mesures d’interdiction de contournement des protections techniques prévues dans la loi DADVSI. « On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre », conclut Odebi.