L’Internet sera-t-il classé secret défense ?

Mobilité

Un décret sur la sécurité intérieure récemment signé par le président des Etats-Unis laisse entendre que certaines parties du Réseau pourraient être considérées comme des informations sensibles et, à ce titre, classées « secret défense ». Cela concernera-t-il les sites d’expression personnelle ?

Internet classé secret défense ? Un décret (executive order) signé le 25 mars par le président des Etats-Unis pourrait le laisser entendre. Ce décret, qui modifie un texte édité en 1995 par l’administration Clinton, vise à permettre au gouvernement américain de garder secrètes des informations jugées sensibles pour la sécurité du pays. Outre le fait que le présent décret permet de reclasser « secret défense » des informations déjà rendues publiques, il semble également s’attaquer à Internet.

Si le réseau mondial n’est pas explicitement cité, le texte vise – outre les informations relatives aux « armes de destruction massive » et autres « opérations militaires » – celles concernant des « affaires scientifiques et technologiques », des « méthodes de veille ou de chiffrement », des « infrastructures », la « vulnérabilité ou la capacité des systèmes » ou encore des « installations ». Des termes qui, bien que très vagues, font immédiatement penser au réseau des réseaux.

Une menace pour la liberté d’expression ?

S’il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences éventuelles de ce nouveau décret, il pose déjà un certain nombre de questions. Notamment celles liées à la liberté d’expression sur Internet à partir du moment où les sujets abordés sont relatifs à la sécurité des Etats-Unis. Un site comme Where is Raed ?, édité par « Salam Pax », un Irakien qui décrit la guerre vue de l’intérieur, aurait-il le droit d’exister aux yeux du gouvernement américain ou bien les informations diffusées seraient-elles classées « top secret » ?

Contrairement aux grands médias, télévisés notamment, plus ou moins liés aux Etats, le Net permet à quiconque doté d’un cerveau et d’un ordinateur de s’exprimer. Chacun est donc susceptible de diffuser des informations de manière incontrôlée. Le décret de George W. Bush autorisera-t-il une attaque informatique contre les sites personnels ? Car si le Réseau est incontrôlé, voire incontrôlable, il est aussi fragile. Le site de la chaîne de télévision qatarie Al-Jezira en a fait les frais. Le lancement de la version anglaise du site, prévu le 24 mars 2003, a été repoussé d’un mois suite à une attaque informatique. Le 27 mars, la version originale du site avait été détournée et la page d’accueil affichait une carte des Etats-Unis sur fond de bannière étoilée, accompagnée du message « Let Freedom Ring » (« Que la liberté triomphe »). A l’heure où nous écrivons, le site reste inaccessible. Nouvelle attaque ou bien saturation du serveur victime de son succès ?

On le sait, le pouvoir des médias et l’opinion internationale sont des moyens de pression qui se révèlent parfois aussi efficaces que les armes de guerre. Quoi qu’il en soit, le décret de George W. Bush intervient en plein conflit dont la durée, qui plus est, pourrait être prolongée par rapport aux estimations initiales. Hasard du calendrier législatif ? Malgré ses contours flous, il semble difficile de croire que ce décret, qui en révise un précédent, ne sera pas sans conséquence sur l’avenir…