Linus Torvalds règle ses comptes avec Mac OS X

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Disponible depuis peu en français, l’autobiographie de Linus Torvalds, l’inventeur de Linux, mérite le détour. Car outre la description dans le détail de la création du système libre, l’auteur, aidé d’un journaliste américain, nous livre ses points de vue très tranchés sur grand nombre des nouvelles technologies qui font notre quotidien. Et même aussi sur le sens de la vie…

Un « techno-dingue » (geek en anglais) muni d’un gros nez qui lui donne bien des complexes. Voilà comment se présente Linus Torvalds, l’inventeur de Linux, dans l’autobiographie qu’il cosigne avec un journaliste américain, David Diamond. Et ce n’est pas fini : timide, asocial, invivable même si l’on en croit les nombreuses disputes avec sa soeur cadette qui ont émaillé sa jeunesse. Plus qu’une simple description de la genèse du système d’exploitation libre, Il était une fois Linux est surtout un autoportrait sans fard de son géniteur, qui ne nous cache ni ses angoisses, ni sa vie de famille quelque peu tourmentée. En fait, pour passer de la glaciale Helsinki (c’est lui qui le dit… de nombreuses fois) au soleil de la Silicon Valley, Linus Torvalds a surtout passé des jours et des nuits enfermé dans sa chambre d’étudiant, derrière d’épais rideaux noirs pour ne pas qu’un seul trait de lumière ne vienne le déranger. Une véritable histoire d’amour vécue avec son PC, un 386 à 33 MHz et « boosté » à 4 Mo de mémoire vive, acheté près de 20 000 francs au tout début de 1991…Avant le PC, Linus (on a tout de suite envie de l’appeler par son prénom devant la simplicité avec laquelle il se présente) avait fait ses premiers pas sur un Commodore Vic 20, puis sur un Sinclair QL. Comme tout le monde, le premier programme qu’il ait écrit se résumait à deux lignes de Basic : « 10 PRINT « HELLO » ; 20 GOTO 10″. Cela rappellera sûrement des souvenirs à certains, mais, lui, il est allé beaucoup plus loin… Et de raconter qu’au départ, Linux a failli s’appeler Freax, déformation du mot anglais freaks qui signifie bizarre, décalé, voire monstre. C’est dire comment se considérait le jeune homme à l’époque.La rencontre de deux légendes de l’informatique Toujours très franc dans ses descriptions, Linus raconte donc comment, alors qu’il voulait simplement améliorer son PC et surtout comprendre au plus près la manière de fonctionner de son processeur pour en tirer le meilleur parti, il est devenu le « dictateur bénévole » (une appellation qui ne lui plait guère) d’une communauté sans cesse grandissante. Mais il nous parle aussi de sa joie d’aller vivre en Californie, grâce au poste que lui a proposé Transmeta. Presque ingénument, il livre alors sa fierté de pouvoir rencontrer tant de célébrités, lui le petit programmeur finlandais. Ingénument peut-être, mais toujours avec autant de franchise. Ainsi, dès le début de 1997, alors qu’il vient à peine de prendre son poste chez Transmeta, il rencontre Steve Jobs qui tente de l’embarquer dans la conception de Mac OS X. « Le système est basé sur un coeur Open source (Darwin), viens donc travailler pour nous », lui dit Jobs tout de go. Seulement, le patron d’Apple ne pouvait sûrement pas imaginer à quel point il faisait fausse route. Citons Linus : « Il ne pouvait pas savoir que mon opinion personnelle sur Mach [le noyau de Mac OS] n’était pas vraiment positive. Franchement, je considère que c’est de la daube. » Et d’argumenter sur les désavantages des micro-noyaux, notamment en termes de performances, par rapport au modèle de noyau tout intégré qu’il a lui-même choisi. On peut être d’accord ou pas, son exposé est en tout cas très argumenté.Considéré comme un héros par certains et comme un dangereux trublion par d’autres, Linux Torvalds ne peut laisser indifférent. Outre l’intérêt des détails qu’elle nous livre sur la vie du personnage, cette autobiographie est aussi un brillant exposé des avantages (et aussi des inconvénients) du modèle de développement des logiciels libres. Linus est notamment convaincu qu’il s’agit du système permettant d’obtenir la meilleure technologie puisque les développeurs travaillent pour leur plaisir, leur passion, et pas pour l’appât du gain. Et pourtant, après la lecture de ce livre, plus personne ne devrait se poser la question : »Au fait, est-ce bien normal de gagner de l’argent avec des logiciels gratuits ? » Il était une fois LinuxLinus Torvalds et David Diamond300 pages – 98 francsEdité par Osman Eyrolles Multimédia