L’offensive d’Adobe sur la plate-forme Mac OS X

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Avec la sortie successive de six logiciels fonctionnant en natif sous X, Adobe est en train de donner le coup de reins nécessaire pour clouer le bec à ses détracteurs. Mais dans le même temps, son effort souligne le déclenchement d’une nouvelle guerre autour des logiciels de PAO. Cibles d’Adobe : Quark, Macromedia et Corel. Des trois éditeurs, Quark et Corel sont les plus prompts à répondre.

En arrivant à lancer consécutivement six logiciels, Adobe vient de se hisser au même rang que Microsoft en nombre d’applications disponibles en natif sous Mac OS X. L’éditeur, après avoir pris en marche le train du nouvel OS d’Apple, met les bouchées doubles pour rendre disponible l’ensemble de sa gamme sur cette plate-forme. Et pourtant, Adobe ne réalise que 27 % de son chiffre d’affaires avec les passionnés de la firme à la Pomme. Le reste ? 73 % de ses clients utilisent Windows dans une version ou une autre. Une évolution majeure de sa base de clients que la société d’édition a réalisée dans les années 90, à la lumière d’une première guerre déclenchée par Apple elle-même au sujet des polices de caractères, comme le rappelle SFGate.com. Les deux domaines d’excellence de la firme, la PAO (publication assistée par ordinateur) et la VAO (vidéo assistée par ordinateur), s’avèrent toutefois mis en péril depuis la fin des années 90. Le dernier domaine est particulièrement mis à mal par Apple elle-même avec son logiciel Final Cut Pro (voir édition du 18 décembre 2001). Celui-ci détient désormais 30 % du marché, contre 53 % pour Premiere. Et la dernière version de l’application de la Pomme – qui s’appuie encore un peu plus sur le matériel vendu par la firme et les possibilités du G4 – risque fort d’augmenter sa part de marché !

Dans le même temps, Adobe se retrouve acculé sur son second domaine d’excellence. Ses concurrents sont dans l’ordre Macromedia et Corel, qui tous deux proposent des solutions alternatives aux différents outils de la gamme d’Adobe. Une lutte à couteaux tirés s’est engagée, qui a vu Corel introduire rapidement sur le marché des applications destinées aux futurs utilisateurs du nouveau système d’exploitation. Le canadien propose par exemple des logiciels comme CorelDraw ou Corel-Paint, tous deux en version X et qui viennent marcher sur les plates-bandes d’Illustrator ou de Photoshop. Dans le même temps, Adobe se trouve confronté à son frère ennemi de la publication sur le Web, Macromedia, qui lui dame le pion avec une pléthore de produits comme Dreamweaver, FireWorks ou FreeHand 10, en lieu et place de ses GoLive ou autres LiveMotion. Pris en étau entre ces deux acteurs, Adobe se démène pour étoffer son offre auprès de ses clients. La firme a pour cela lancé InDesign, dont la bêta d’une version 2.0 vient d’être proposée à l’essai. Objectif : faire de l’oeil aux utilisateurs de XPress. Même si les clients de Quark se disent profondément attachés à leur logiciel et bien que son application s’avère le standard de la publication, la concurrence d’Adobe est de plus en plus intéressante. La version 2 d’Indesign est désormais considérée par certains des utilisateurs de Xpress comme supérieure sur bien des points : son intégration avec les autres applications d’Adobe, la courbe d’apprentissage courte en raison de l’intuitivité de son interface, sa polyvalence et ses capacités cross-platform et cross-media ou encore ses outils plus fournis que ceux de Quark (comme la transparence, les effets d’ombre, d’opacité, l’importation de tableaux?). InDesign est même capable d’ouvrir les fichiers de Quark ou PageMaker et d’utiliser les raccourcis clavier de Quark XPress (voir le test de SVM Mac) !

Entre compétition et coopération

Comme en réponse à la menace, la version 5 de XPress vient tout juste de sortir. Bien qu’elle ne tourne pas sous Mac OS X, l’éditeur souligne son attachement au développement du logiciel en natif sous X. Mais cette profession de foi sera-t-elle suffisante ? Des journaux aux publications, catalogues et livres, toutes les mises en page professionnelles se font sous XPress. Mais l’arrivée des publications électroniques a changé la donne et l’américain a incorporé ces évolutions dans sa dernière version, en intégrant par exemple XML ou encore des outils de conception de pages Web. Une réaction qui répond en fait aux avances faites par Adobe à ses clients. Au dernier Seybold, Adobe a défié le leader de la PAO. Une offre tarifaire a été lancée en ce sens aux seuls détenteurs de XPress aux USA. Pour Quark, il ne reste plus qu’une solution : mettre les bouchées doubles pour faire de XPress la solution de référence sous Mac OS X. L’arrivée de ce système d’exploitation a donc ravivé une « ‘coopértition’, un mélange entre compétition et coopération », selon le bon mot de Ron Okamoto, le vice-président Apple des relations avec les développeurs, cité par SFGate.com. Et Apple n’y est pas pour rien : Steve Jobs s’est efforcé de souligner depuis des mois le retard d’Adobe avec Photoshop. Il a même lancé en janvier au représentant d’Adobe, sous forme de boutade, qu’un compte à rebours était déclenché à partir de MacWorld pour voir quand Photoshop serait livré (voir édition du 18 janvier 2002). Le logiciel vient d’être lancé (voir édition du 25 février 2002). Mais on peut gager que la Pomme ne laissera pas tranquille sa firme fétiche : Adobe est née grâce au Mac. Il y a fort à parier qu’Apple veuille que son président Bruce Chizen le garde en mémoire…