Logiciel libre et compétitivité : une décision complexe pour un vrai projet industriel

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A l’occasion de Paris Capitale du Libre, cinq intervenants, dont le DSI de
Free, témoignaient de leur expérience de l’open source dans leur entreprise.

L’adoption de solutions open source est-elle un facteur de compétitivité et d’innovation? A l’occasion de la seconde journée Paris Capitale du Libre organisée par l’ASS2L (les 13 et 14 juin 2007 au Palais des Congrès), s’est tenue la conférence « Le logiciel libre : compétitivité et innovation dans les PME ».

Pour tenter de répondre à la question, cinq intervenants issus de divers domaines ont débattus devant un auditoire d’une cinquantaine de personnes. Migration, coûts, compétences, qualité et pérennité… l’essentiel des grandes thématiques qui accompagnent la problématique des logiciels libres a été abordé.

Le choix du libre

A commencer par le choix du libre. Tous les intervenants s’accordaient à dire que le passage à l’open source est une décision complexe qui doit s’inscrire dans un véritable projet industriel. « Le logiciel libre apporte des solutions concrètes à partir du moment où l’entreprise s’investit », analyse Antoine Levavasseur, directeur système d’information (DSI) d’Iliad/Free qui exploite les solutions open source sur les serveurs web et de messagerie, et d’application notamment. Mais « le logiciel libre n’est pas la solution miracle, il nécessite toujours des besoins de maintenance, de paramétrage, etc., qui pèsent dans le fonctionnement quotidien. »

Pour David Taillandier, le libre s’inscrit difficilement à tous les étages de l’entreprise. Le DSI de EMJ France, une PME de 300 personnes dans le domaine des matériaux de jardinage et qui gère une trentaine de serveurs pour 120 postes utilisateurs répartis sur 24 magasins en France, estime que « 80 % des ordinateurs de l’entreprise ne peuvent pas utiliser de solution sous Linux « . A la fois pour des raisons politiques et de réticences humaines. En revanche, l’infrastructure informatique s’accommode parfaitement du libre. « Pour la partie cachée des utilisateurs, on est libre de nos choix. Il est alors plus facile de choisir l’open source, notamment pour les serveurs de fichiers, par exemple, où l’utilisateur final de verra pas la différence [entre une solution libre et propriétaire] ».

Un avis que ne partage pas forcément Luc Viatour, même s’il ne l’a pas ouvertement exprimé. Le DSI de Dupesi SA (Belgique), a fait le choix du tout open source dès 2001, pour l’infrastructure comme pour les postes clients passés du jour au lendemain sous environnement Linux. Un choix à l’époque dicté par une nécessité économique. S’il avoue avoir rencontré des difficultés à la fois d’ajustement technique et, surtout, de réticences humaines, au départ, il ne regrette à ce jour pas son choix. « Avec le temps, on a constaté des économies importantes et nous avons gagné une liberté de mouvement. »

L’open source peut même jouer en faveur de l’image de l’entreprise. « L’open source est gage de valeur pour les investisseurs », soutient Patrick Vignaud, directeur associé chez Aelios Finance, un cabinet conseil qui aide les entreprises IT à lever des fonds.  » L’environnement a pas mal basculé ces dernières années, il devient plus normal aujourd’hui de travailler en open source que sous environnement propriétaire. «  Selon lui, le libre devient même un gage de facteur innovant pour une  » gazelle » (jeune pousse dynamique connaissant une croissance forte). Il reconnaît cependant qu’il est plus facile pour les « gazelles » de faire le choix de l’open source que pour les grands comptes.

Luc Viatour mettra tout le monde d’accord en rappelant que les PME n’ont pas les moyens de se payer des guerres de religion et, libre ou propriétaire, elles veulent des solutions qui fonctionnent. En la matière, il estime que l’open source gagne du terrain car c’est un vecteur de qualité.

Le libre gage de qualité

Malgré l’expansion du phénomène open source, l’image des logiciels non finis continue de coller à la peau des solutions libres. « Au moins, avec le libre, on sait où en est le logiciel en termes de développement », défend David Taillandier, « alors qu’avec le propriétaire, on achète d’abord la licence d’utilisation pour découvrir, après, que le logiciel n’est pas fini. «  D’ailleurs, le libre bénéficie d’une souplesse d’adaptation, plutôt absente dans le monde propriétaire. « Quand un logiciel est incomplet, témoigne Antoine Levavasseur, on peut le corriger ou ajouter les fonctionnalités qui manquent. Cela nous a beaucoup servi. »

Mais l’adaptabilité du libre ne constitue pas sa seule force. Pour l’ensemble des intervenants, le libre peut s’inscrire dans les deux phases de développement de l’entreprise : la phase de construction et d’innovation où le libre est apprécié pour sa rapidité d’adaptabilité; et la phase de montée en puissance de l’activité. Pour Luc Viatour, qui bénéficie maintenant de six ans d’expérience, « l’open source répond bien aux besoins rencontrés lors de ces deux phases « . En revanche, si les solutions dédiées aux infrastructures (serveurs) ou aux logiciels phares (navigateurs, suite bureautique) existent de manière fiable, « le libre n’a pas toujours de réponse sur les applications métier « , fait remarquer David Taillandier qui témoigne avoir conservé une application propriétaire trop complexe à implémenter en open source.