LOPPSI : le conseil constitutionnel va-t-il censurer le filtrage des sites pédo-pornographiques ?

CensureCloudRégulations

Dans leur saisine, les sénateurs PS souligne la « disproportion entre le but recherché et le résultat atteint ». Le blocage au niveau des FAI serait inefficace voire contre-productif.

LOPPSI ou l’art de « bloquer des avions en vol en dressant des barrages routiers au sol »

C’est l’article 4 de la loi LOPPSI qui se retrouve au centre de la polémique.

Il vise ainsi à instaurer un système obligatoire de filtrage au niveau des fournisseurs d’accès Internet (FAI) limitant l’accès à des sites Internet contenant des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère pornographique.

Cette disposition choque les sénateurs PS considérant qu’elle ne fournit pas « les garanties suffisantes contre des éventuelles atteintes arbitraires à la liberté d’expression protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».

On se rapproche des critiques adressées à la loi Hadopi 1 sur la lutte anti-piratage numérique. En juin 2009, celle-ci avait été partiellement retoqué par le Conseil constitutionnel.

A l’époque, le gouvernement avait tenté de faire adopter une approche de la riposte graduée avec des pouvoirs de sanctions attribuées à la Hadopi sans passer par la case « tribunal de justice ».

En outre, concernant le filtrage des sites pédo-pornographiques instaurés par la loi LOPPSI,  les élus de gauche considèrent que ce dispositif n’est pas pertinent.

Ils  s’appuient sur une étude d’impact du blocage des sites pédo-pornographiques établie par la Fédération française des télécoms et des communications électroniques.

« De nombreux spécialistes de la lutte contre la cyber-criminalité s’accordent sur le fait que, qu’il s’agisse de prévenir l’accès par inadvertance ou volontaire aux sites concernés, ces dispositifs de filtrage de sites pédo-pornographiques sont absolument inefficaces (…) Ils contribuent [même] à rendre encore plus difficile la répression de ce fléau, quand ils ne la découragent pas tout simplement ».

Pour évoquer ce blocage « inadapté », « contre-productif » et « onéreux » (140 millions d’euros au frais de l’Etat), les sénateurs à l’origine de la saisine reprennent une image évoquée en séance publique dans les débats du 8 septembre 2010 :« vouloir bloquer les sites pédo-pornographiques en bloquant l’accès à Internet revient à vouloir bloquer des avions en plein vol en dressant des barrages routiers au sol. »

Les moyens de passer à travers les mailles du filet (comme le cryptage) ne manquent pas, selon les sénateurs socialistes.

« Il faut également relever que tous les contenus diffusés sur des réseaux peer to peer, ou par des services de messagerie instantanée, échappent au périmètre de blocage, alors qu’ils sont les principaux supports constatés d’échange d’images pédo-pornographiques. »

Le Conseil constitutionnel sera-t-il sensible à ces arguments ?

Revente de billets : gare à la « différence de traitement »
Dans un tout autre domaine en lien avec la loi LOPPSI, les sénateurs PS regrettent également la différence de traitement pour la revente de billets (trains, concerts…). Ils pointent du doigt la différence de traitement entre la revente de billets sur un « réseau de communication au public en ligne » et celle réalisée par le biais d’un magazine papier de petites annonces. « Il s’agit bien là de la même opération, seul le support est différent. Ainsi la revente avec bénéfice serait interdite sur internet – et encore, pas sur tout internet puisque les réseaux d’échange P2P ne sont pas visés – tandis qu’elle continuerait d’être autorisée par le biais de petites annonces. On mesure là l’incongruité du procédé. »

Lire aussi :

Lire la biographie de l´auteur  Masquer la biographie de l´auteur