Médiateur de la Téléphonie : « Le service pourrait inclure les litiges avec les FAI »

Mobilité

L’expert juridique Raymond Viricelle prend en charge l’ultime recours entre un opérateur et un client. Il dresse un premier bilan 2005.

C’est un service de médiation méconnu du grand public. Pourtant, les problématiques qu’il traite ne manque pas d’actualité. Lancé en juin 2003, le Médiateur de la Téléphonie a vocation à traiter les litiges entre opérateurs télécoms et clients lorsque tous les recours à l’amiable sont épuisés.

A l’origine, cette initiative a été prise par un groupement de sept opérateurs (Bouygues Telecom, Orange, SFR pour la partie mobile et Cegetel, France Télécom, Neuf Télécom et Télé2 pour la parie fixe), qui a formé l’Association Médiation Télécom (Amet).

Entre juin 2003 et octobre 2005, c’est Régis Mourier, un ancien Avocat général à la Cour de cassation, qui a inauguré le poste de Médiateur de la Téléphonie. Depuis l’automne dernier, Raymond Viricelle, un ancien magistrat au parcours très riche (ministère de la Justice, Cour de cassation, direction juridique de la SNCF?), a pris le relais. Il dresse un premier bilan d’activité du Médiateur de la Téléphonie sur l’année 2005 et évoque des possibilités d’extension de son champ de compétence à l’accès Internet.

Vnunet.fr: Quand comptez-vous publier le rapport 2005 du Médiateur de la Téléphonie ?

Raymond Viricelle: Un premier rapport, qui retrace la période entre juillet 2003 à décembre 2004, a été établi par le premier médiateur Régis Mourier. Je travaille actuellement sur le rapport 2005, qui mettra en parallèle les résultats des années 2004 et 2005. Le premier bilan portant sur 18 mois, nous devons reconstituer les chiffres sur la seule année 2004. Cet exercice nous permettra de rétablir une comparaison logique de l’activité année par année. A priori, la publication du rapport 2005 est attendue fin mars.

En attendant les détails dans le prochain rapport, peut-on dégager quelques tendances ? Combien de dossiers avez-vous traité l’année dernière ?

En 2004, nous avons reçu 1924 réclamations : 1100 pour la téléphonie mobile, un peu moins de 600 pour la téléphonie fixe et 175 concernant l’Internet. En 2005, le chiffre global de plaintes est passé à 2508, soit une progression de 30% environ. Pour la partie téléphonie mobile, on observe une stagnation voire une légère diminution des réclamations en 2005. En revanche, nous recensons une hausse de 75% des litiges liés à la téléphonie fixe. Les problèmes liés à Internet augmentent également puisque nous en avons enregistré 400. Je vous rappelle que nous ne traitons pas toutes les requêtes des consommateurs reçues car notre charte stipule que le client doit d’abord épuiser tous les recours en interne chez son opérateur avant de solliciter notre médiation.

Combien d’avis de fond avez-vous émis en 2005?

579 réclamation ont fait l’objet dun avis au fond, ce qui correspond à une hausse de 44% par rapport à l’année précédente.

Quelles sont les principales sources de litiges ?

Les principales réclamations concernent la facturation (contestation du montant, des appels ..), le contrat (souscription, forfaits, options, suspension et résiliation) ainsi que les frais (en particulier de mise en service et d’intervention). Le nombre le plus important de dossiers à gérer concerne la facturation à la fois sous l’angle de l’application des tarifs et de la réalité des communications. Entre 2004 et 2005, nous observons en particulier une hausse des contestations sur les communications à l’international. Cela concerne surtout les liaisons établies par lintermédiaire de dialer qui re-dirigent parfois les communications vers l’étranger par des liaisons satellite. On m’avait expliqué que ce genre d’incident n’arrivait qu’en mode Internet bas débit mais ne pouvait se produire dans le cadre des offres ADSL. Avec le développement du haut débit, ces soucis auraient dû sestomper. Ce n’est pas le cas apparemment.

Comment expliquez-vous la forte hausse des litiges dans la téléphonie fixe ?

Cest un mouvement lié au dégroupage et à la résiliation des contrats. Très souvent, des clients ne sont pas conscients ou n’ont pas fait l’effort d’analyser la situation. Ils ne font pas toujours la démarche personnelle de résilier des services particuliers auquels ils avaient souscrits (comme les forfaits).

Il existe désormais une profusion doffres de services multiplay avec un volet téléphonie commercialisés par les fournisseurs d’accès Internet (FAI). Les réclamations ad hoc rentrent-elles dans votre champ de compétence ?

En principe, nous ne sommes pas compétents pour régler les litiges sur Internet. Par conséquent, tous les litiges pouvant naître de la voix sur IP échappent à notre action. Le Médiateur est compétent pour tous les litiges concernant la téléphonie fixe ou mobile qui mettent en cause un des sept opérateurs signataires de la Charte.

Cette situation pourrait-elle évoluer ?

Oui, il y a des réflexions dans ce sens en cours avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), à la suite de la table ronde entre les FAI et les associations de consommateurs sous l’égide du ministère de l’Industrie. Dans le cadre du suivi de ce dossier, il sera certainement évoqué une extension des compétences du service du Médiateur.

A la suite de la condamnation des opérateurs mobiles pour entente illicite, seriez-vous compétent pour étudier les plaintes des consommateurs qui se sentent lésés ?

Rien ne s’y opposerait sous réserve que les plaintes émanent d’un particulier. Je ne pourrais pas étudier les plaintes collectives. Mais il existe deux préalables. Primo, tous les recours en interne chez l’opérateur doivent être épuisés. Secundo, les opérateurs mobiles ont fait appel de la condamnation du Conseil de la Concurrence. Par conséquent, si je reçois des dossiers dans ce sens, je devrais différer leur examen en attendant la conclusion définitive de cette procédure.

Les consommateurs méconnaissent les activités du Médiateur de la Téléphonie. Comment pouvez-vous développer la notoriété de votre service ?

C’est vrai que nous rencontrons un souci de communication vis-à-vis des consommateurs. Par manque de temps, j’ai dû me concentrer sur mon activité principale car, depuis octobre, le nombre de dossiers reçus par mois a doublé (de 40 à 80). Les consommateurs peuvent prendre connaissance de l’existence du Médiateur par les contrats ou les Conditions Générales d’Abonnement des opérateurs. Celles-ci décrivent le plus souvent la procédure de réclamation et donnent les coordonnées du Service. A priori, les opérateurs font aussi référence au Médiateur de la Téléphonie sur leurs portails Internet. La présentation varie d’un opérateur à un autre. D’autre part, dans tous les courriers adressés aux abonnés par le service client de l’opérateur qui examine son dossier en dernier lieu, il figure une mention a priori assez claire qui évoque la possibilité de recourir au Médiateur de la Téléphonie. Je vois souvent ce type de courrier émanant des opérateurs. En général, c’est le premier document de référence pour constituer un dossier à notre niveau.

On peut émettre quelques doutes sur la réelle volonté des opérateurs à promouvoir réellement votre activité…

Légalement, ils n’ont aucune obligation. Je vous rappelle que le statut de médiateur est né de la volonté des opérateurs eux-même dans un esprit d’auto-régulation. Je ne dispose pas suffisamment de recul pour répondre à votre question.

Disposez-vous de moyens matériels et de ressources humaines suffisants pour exercer votre fonction ?

Oui. Je dispose actuellement de deux juristes. Avec l’augmentation des dossiers à traiter, je viens d’obtenir de la part de l’Amet l’embauche d’un juriste supplémentaire. Si la croissance des plaintes reçues persiste, je ne suis pas inquiet. On me donnera les moyens suffisants pour accomplir ma tâche.

Avez-vous des relations directes avec les pouvoirs publics ?

Les contacts se limitent à des organismes comme l’Arcep et la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Estimez-vous que le gouvernement serait prêt à officialiser votre fonction ?

Un rapport de l’Arcep devrait être prochainement déposé qui abordera sans doute la question. La volonté des pouvoirs publics semble être effectivement d’uniformiser le traitement des litiges relatifs à la téléphonie et à l’Internet. Sous réserve dun renforcement limité de ses moyens, le service du Médiateur de la Téléphonie est prêt à traiter également les litiges entre les fournisseurs d’accès à Internet et leurs clients.


Lire la biographie de l´auteur  Masquer la biographie de l´auteur