Menaces sur l’Internet gratuit en Angleterre

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Le gouvernement du Royaume-Uni voudrait obliger les fournisseurs d’accès anglais à inclure des fonctions d’interception des messages dans leurs serveurs. Mais le coût induit pourrait tuer dans l’oeuf les offres d’Internet illimité.

Alors que l’IETF a récemment rejeté la demande du FBI d’inclure des fonctions de mise sur écoute du Web au sein même des protocoles qu’elle développe (voir édition du 23 mars 2000), les offres de connexion Internet illimitées en Angleterre (voir édition du 15 mars) pourraient bien disparaître si le gouvernement britannique force les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à conserver des fonctions similaires d’interception de mails qui coûtent très cher.

Selon les termes de la loi sur la régulation des pouvoirs d’investigation (Regulation of Investigatory Powers Bill), le gouvernement anglais désire que les forces de police accroissent leurs contrôles des communications électroniques, incluant la possibilité d’intercepter les courriers électroniques.

Nicholas Lansman, secrétaire général de l’association des fournisseurs d’accès du Royaume-Uni, a indiqué que les fournisseurs de services étaient « encore dans le flou » sur le coût de la mise en place et la maintenance de tels systèmes d’interception.

« La possibilité d’intercepter les messages implique un coût supplémentaire alors que beaucoup de FAI dégagent déjà très peu, voire pas du tout, de bénéfices. Le gouvernement pousse à la baisse du prix de l’accès Internet, mais il veut aussi que ce service d’interception soit assuré » a déclaré Nicholas Lansman, ajoutant qu’il sera difficile de faire les deux à la fois.

La loi a été présentée pour la première fois à la Chambre des Communes (l’équivalent de notre Assemblée nationale) le 9 février dernier et est pour le moment étudiée par une commission spécialisée. Elle a pour but de réguler les pouvoirs d’investigation concernant l’interception des communications , les techniques d’enquêtes intrusives et l’accès aux données chiffrées.

Keith Mitchell, Pdg du London Internet Exchange (le point principal des échanges de données Internet en Angleterre, ndlr), a indiqué que le gouvernement américain a voté un budget de 500 millions de dollars (plus de 3,3 milliards de francs) pour mettre en place son Digital Telephony Act (loi sur la téléphonie numérique) dont les buts sont similaires à ceux de la loi anglaise. « Les FAI du Royaume-Uni pourraient être obligés de payer. Nous attendons toujours une réponse claire du gouvernement sur ce sujet » a-t-il déclaré.

Richard Clayton, de la société Demon Internet, a estimé à 10 000 livres sterling le coût de mise en place d’un équipement d’interception sur chacun des racks de modems d’un FAI. Selon lui, le gouvernement anglais n’a pas une bonne compréhension des problèmes techniques que cela engendrent. « L’interception des flux IP est plus facilement réalisée par les opérateurs de télécommunications. En pratique, il serait beaucoup plus efficace de placer un système d’écoute directement sur le poteau téléphonique » a-t-il expliqué.

Pour le ministre de l’Intérieur anglais, Charles Clarke, le coût de mise en place d’un tel dispositif ne serait pas si élevé. A l’inverse, certains estiment que le coût total d’une telle opération pourrait se chiffrer en centaines de millions de livres sterling (milliards de francs).

En France, pour le moment, la réglementation des télécommunications ne permet pas de proposer d’offres d’accès Internet illimité. La question du coût d’interception des messages ne se pose donc pas. D’autant que dans l’hexagone le courrier électronique est protégé par la même loi que le courrier postal classique. L’interception d’un message ne peut se faire qu’au coup par coup, sur demande expresse de la Justice.