Microsoft se prépare à affronter Panther

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L’éditeur de Windows vient d’annoncer le lancement d’une version bêta 64 bits pour processeurs Opteron et Athlon 64 d’AMD de ses plus récents systèmes d’exploitation, Windows Server et Windows XP. Le mouvement ne passe pas inaperçu, alors qu’Apple préparerait secrètement le passage aux 64 bits de sa plate-forme.

Ne pas hypothéquer l’avenir ! Voilà sans doute la réflexion des stratèges de Microsoft vis-à-vis d’un hypothétique passage aux 64 bits de l’industrie informatique. En dévoilant hier des versions bêta de ses systèmes d’exploitation Windows XP et Windows Server 2003 pour l’architecture 32/64 bits d’AMD, Microsoft entend prendre toutes les mesures adéquates pour préserver son activité et relancer ses ventes. Le problème : le marché des serveurs tend vers l’utilisation de processeurs 64 bits à faibles coûts (voir édition du 31 janvier 2003). Dans le même temps, Microsoft fait face à la fronde d’une partie importante de ses utilisateurs fonctionnant toujours sur le système d’exploitation Windows NT4 et ayant commencé à évaluer d’autres solutions que le système d’exploitation Windows (un fonctionnement principalement sous Unix, Linux, voire Mac OS X Server). Pour Microsoft, l’apparition du jeu d’instructions x86-64 sur des processeurs développés par AMD s’avère du pain béni : il lui permet un portage de son système ainsi qu’une compatibilité ascendante.

Pour AMD, le support de Windows s’avère également vital : il doit permettre au fondeur de pouvoir proposer une évolution en douceur de ses produits à sa clientèle et, si le secteur de l’informatique utilise bien depuis déjà quelques années ce type de processeur, leur prix prohibitif les a cantonnés à certaines niches spécifiques. Et Windows s’avère bien loin, dans le domaine du 64 bits, derrière Sun ou IBM. Mais le vent tourne : l’arrivée de processeurs 64 bits à faibles coûts pourrait bouleverser le marché des petits serveurs. L’attaque, initiée par IBM avec la déclinaison PowerPC 970 (voir édition du 16 octobre 2002) de son processeur POWER4, devrait frapper le marché dès cet été. Initialement en jeu, les serveurs lames, au rapport puissance/prix particulièrement abaissé. Et qui devraient être suivis par de plus petits serveurs. IBM vient se positionner ici principalement face aux offres de Sun et d’Intel, qu’il intègre d’ailleurs dans certains de ses serveurs lames. Face à lui, Intel essaye de se démener comme un beau diable pour proposer l’Itanium 2, qui bénéficie d’une version 64 bits de Windows, mais qui a été principalement retenu par les entreprises pour faire tourner des versions du système d’exploitation Linux. L’Itanium 2, qui est compatible 32 bits (mais avec une dégradation des performances) n’est soutenu principalement que par un seul fabricant : Hewlett-Packard.

Remodeler la scène informatique

C’est sur le marché des ordinateurs de bureau que les choses paraissent moins claires : dans le camp « Wintel », personne ne croit à un passage à des puces 64 bits. Intel pense qu’il est trop tôt et que les applications 32 bits suffisent pour ce qui est demandé aux ordinateurs. Cette philosophie n’est pas partagée par tous les acteurs : AMD entend proposer des puces 64 bits entièrement compatibles 32 bits pour s’octroyer un avantage concurrentiel face à Intel. Microsoft a promis une version de Windows XP tournant sur son processeur Athlon 64 pour le mois de septembre prochain. A temps pour contrer l’onde de choc provoquée par Apple à l’été avec la sortie simultanée de machines utilisant les PowerPC 970 d’IBM et dont tous les observateurs s’accordent à dire qu’ils risquent de remodeler la scène informatique. La bataille marketing qui pourrait en découler risque fort d’être étonnante : cette fois, Intel ne pourra pas mettre en avant de processeurs à performances/coûts comparables (les puces 64 bits d’IBM sont attendues à des niveaux de prix similaires voire inférieurs aux actuelles puces utilisées par Apple). Seront donc très certainement aux premières loges Microsoft et AMD, qui tenteront par tous les moyens de démontrer que la plate-forme PC dispose d’une alternative.

Car Apple bataille sans doute depuis plus longtemps autour de la notion d’utilisation grand public des processeurs 64 bits. La firme a participé à la conception des processeurs RISC prévus initialement pour fonctionner en 64 bits et utilisés dans ses machines depuis le milieu des années 80. Et depuis l’année 2000, les rumeurs les plus variées font état de programmes de recherche et de développement de la firme en partenariat avec Motorola d’un côté (voir édition du 17 septembre 2001), puis avec IBM de l’autre pour réussir à sortir une puce 64 bits spécifiquement capable de faire tourner les applications de sa stratégie de hub numérique (voir édition du 29 mars 2002). Car Apple entend bien passer pour le maître dans le traitement du son et de l’image. Cette stratégie doit lui permettre de renouveler et d’agrandir sa base installée. Les premières machines introduites sur le marché seront d’abord des ordinateurs professionnels (on parle du Xserve, des PowerMac et éventuellement de la ligne de PowerBook dès cette été, bien que cette introduction soit controversée), mais les observateurs s’attendent à une introduction rapide de la nouvelle puce dans d’autres machines, si l’engouement pour le 64 bits se fait sentir. Certains envisagent début 2004, quand d’autres parlent de début 2005. Reste que la précipitation de Microsoft de ne pas lâcher de terrain à Apple également dans ce domaine semble montrer que les événements pourraient se précipiter. Il se dit déjà que la Pomme met ses fournisseurs sous pression pour accélérer les cadences d’introduction de produits. Il faut dire que l’enjeu est de taille.