Morosité de la Net-économie : le cas Nouvo.com

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La dégringolade des start-up continue. Cette fois, c’est la web-télé Nouvo.com qui se retrouve dans la spirale des faillites. Moins d’un an après son lancement, le tribunal de Commerce de Paris a prononcé, le 13 mars, la mise en redressement judiciaire du site. Eric Clin, président de Nouvo.com, nous explique la situation.

VNUnet : Que s’est-il passé ?

Eric Clin :Après un an d’activité [la société a été créée en septembre 1999, Ndlr], nous nous sommes lancés dans une nouvelle recherche de fonds en septembre dernier. Une quarantaine de rendez-vous ont abouti à un dialogue avec quatre ou cinq investisseurs potentiellement intéressés en janvier. Mais à la mi-février, les deux investisseurs les plus intéressés se sont brusquement retirés. Et nos commanditaires de la première heure, le groupe de presse Emap et des business angels (Christophe Sapet, PDG d’Infonie, Frédéric Pie, PDG d’Agency.com, Patrick Robin, PDG d’Imaginet) n’ont pas suivi le deuxième tour de table pour des raisons d’ordre politique et stratégique propres à leur situation. Si nos business angels n’ont pas pu suivre, ils ont cependant continué à nous soutenir, notamment en nous accompagnant dans nos recherches de fonds, témoignant ainsi de la confiance qu’ils nous accordent.VNUnet : Qui auraient dû être ces deux investisseurs susceptibles d’assurer le deuxième tour de table ?

Eric Clin :Je ne préfère pas donner leur nom aujourd’hui, j’y reviendrai probablement plus tard.VNUnet : Quelle est la situation de Nouvo.com aujourd’hui ?

Eric Clin :Nous sommes en redressement judiciaire et un administrateur a été nommé pour étudier les propositions à venir. Nous avons jusqu’à la fin du mois de mars pour trouver un repreneur capable d’injecter 15 millions de francs, ce qui nous permettrait de poursuivre nos activités pendant un an au moins. Passé ce délai, Nouvo.com cessera ses activités. Commencera alors le rachat des acquis, notamment les contenus (500 programmes), par modules. Mais nous n’en sommes pas encore là.VNUnet : Comment expliquez-vous ce repli des investisseurs ?

Eric Clin :Je n’ai pas d’explication particulière et c’est plutôt à eux qu’il faudrait le demander. Il est certain que Nouvo.com est, parmi d’autres, victime de la morosité ambiante qui rend les investisseurs frileux. Par ailleurs, après avoir beaucoup fait parler de lui, le haut débit sur lequel repose grandement la qualité de nos produits, n’est pas au rendez-vous. Malgré tout, nous avons réussi à atteindre un taux de pénétration de 30 % des abonnés haut débit en France.VNUnet : Pourtant, dès le départ, vos investisseurs savaient qu’il vous fallait atteindre un seuil critique d’audience avant de passer à un modèle économique d’abonnement payant. Visiblement, ils n’ont pas eu la patience d’attendre.

Eric Clin :En effet, alors que les financiers sont prêts à investir pour plusieurs années dans des médias traditionnels comme la télévision, la presse ou la radio, avant d’obtenir un équilibre et un retour sur investissement, ils n’appliquent pas la même démarche pour le Net. Aujourd’hui, tout le monde se pose des questions sur le modèle économique du Web. En tout cas, les investisseurs n’acceptent plus des délais trop longs à leurs yeux. Pourtant, notre stratégie semble la bonne puisqu’en février dernier, le site a enregistré 1,5 million de pages vues pour 56 000 visiteurs uniques et un temps moyen de consultation de 45 minutes.VNUnet : Pourquoi ne pas avoir anticipé le lancement de l’abonnement payant ?

Eric Clin :Pour réussir, le passage en mode payant nécessite une mise en place qui ne s’improvise pas au dernier moment. Cela réclame notamment des accords avec des partenaires du haut débit (fournisseurs d’accès du câble notamment) ou la mise en place d’un abonnement individuel autour de 30 francs mensuels. Mises en place qui réclament à leur tour des investissements que nous ne pouvons de toute façon pas supporter financièrement. Nous sommes certains que dans 18 mois, les revenus seront très bons. Des revenus issus du mode payant mais aussi de la publicité et de la commercialisation de contenus.VNUnet : Quelle est l’ambiance chez Nouvo.com aujourd’hui ?

Eric Clin :Malgré la situation, notre équipe (18 salariés à temps plein et une vingtaine de pigistes) a la pêche. Nous sommes tous fiers de notre produit et cette situation ne remet pas en cause la qualité de notre travail.

Pour en savoir plus : Le site de Nouvo.comLire aussi :L’interview du 6 novembre 2000