Musique en ligne : Apple entre partenaires et concurrents

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Un peu plus d’un mois après le lancement de l’iTunes Music Store, de nombreux acteurs se préparent à entrer sur le marché de la musique en ligne, comme partenaires ou concurrents d’Apple. Quelle stratégie la firme peut-elle utiliser pour préserver son avance ?

Les acteurs les plus importants du monde de l’édition musicale ont salué la réponse d’Apple à la problématique de distribution de musique en ligne. Il faut dire qu’avec trois millions de titres vendus dans les trois premières semaines de commercialisation, alors que la base installée d’utilisateurs s’avère relativement faible (un million d’iTunes 4 ont été téléchargés), le Music Store peut être considéré comme l’un des plus beaux succès de lancements de service commercial en ligne. La surprise passée, la concurrence n’a pas attendu longtemps pour fourbir ses armes : nombre de sociétés de tailles variables se préparent à la riposte. Compétiteurs ou partenaires ? La frontière est étroite. Si MP3.com, le premier portail musical européen, permet à certains utilisateurs de l’iPod de télécharger de la musique, Amazon a été considéré comme un concurrent dans un premier temps. Nos confrères du New York Post croient toutefois pouvoir affirmer que le plus grand vendeur de produits culturels en ligne se prépare à accueillir une succursale de l’iTunes Music Store sur son site. « Depuis le lancement de l’iTunes Music Store d’Apple le 28 avril, les discussions se sont intensifiées entre les différents éditeurs, les services sur Internet et les fournisseurs de technologies pour offrir des titres payants aux clients en ligne », indique pour sa part MSNBC. « Des sociétés avec des fonds plus importants que ceux des actuels services de téléchargement existent, comme les gros fournisseurs d’accès, les grands distributeurs ou d’autres acteurs », explique une major du disque.

Des mesures de protection indispensables

L’une des clés du succès, outre le format numérique utilisé, est la gestion des droits numériques (DRM), qui assure que la musique achetée ne sera pas revendue frauduleusement. C’est d’ailleurs sur ce point très précis qu’Apple semble avoir du mal à convaincre les majors dans sa quête d’une extension de son service aux utilisateurs de Windows : seules deux maisons de disques se seraient déjà décidées, si l’on en croit le magazine Rolling Stones. Et l’accord signé cette semaine entre Microsoft et AOL (voir édition du 2 juin 2003) couvre tout ou partie de cette question. Mais la faillibilité des mesures sécuritaires de Microsoft va pour le moment à l’encontre du choix de sa plate-forme, même si son futur Windows (nom de code LongHorn), prévu pour 2005, doit remédier à l’image de passoire de l’OS et de la plupart de ses applications. AOL a d’ailleurs prévu pour le moment d’utiliser le format AAC similaire à celui d’Apple, tandis que MusicNet, un autre service de musique en ligne soutenu par RealNetworks, compte évaluer le support du format, selon son PDG Alan McGlade interrogé par Cnet. Reste que côté PC, c’est le WMA, donc du Microsoft pur jus, qui reste le standard de facto de la musique sécurisée.

Côté Mac, Apple utilise à plein ses technologies pour faire fonctionner son service : Mac OS X Serveur, QuickTime, iTunes, Safari, WebObjects, mais aussi son serveur Xserve – ainsi que nous l’a appris MacCentral – servent de base à sa formule de succès. Malgré tout, elle fait aussi les frais de la question de la sécurisation : la firme a ainsi dû modifier à la hâte iTunes pour empêcher le détournement d’une des fonctions du logiciel, le partage de musique sur réseau local. Plusieurs logiciels, écrits juste après la sortie d’iTunes 4, permettaient déjà d’enregistrer les morceaux partagés. Une opération supposée impossible ! Et déjà, la version corrigée, numérotée 4.0.1, fait les frais d’un nouveau contournement. Ce qui pose un problème crucial à Apple : la validité de la sécurisation de son modèle de distribution. Les dirigeants de la Pomme l’ont bien compris et ont indiqué qu’ils déploraient que la fonction ait dû être bridée.

Une avance à préserver

Mais ce n’est pas leur seul souci : pour que le service préserve son avantage, il doit faire feu de tout bois. Les gains en espèces sonnantes et trébuchantes ne devraient pas être très importants. Les services musicaux en ligne vont surtout servir à vendre du Mac, de l’iPod et du logiciel Apple à gogo. Pour cela, il faut continuer de se démarquer, tout d’abord en augmentant le portefeuille de titres : Apple s’y emploierait, en proposant aux labels indépendants de la rejoindre, si l’on en croît la chaîne musicale MTV. Mais le magasin en ligne d’Apple continue aussi de décrocher des exclusivités. Ainsi, la bande-annonce du film L’incroyable Hulk ne pourra être téléchargée que sur l’iTunes Music Store. Apple doit également augmenter la couverture du service : pour ce faire, la firme doit d’une part fournir une version pour Windows et d’autre part ouvrir le site aux autres pays du monde. Les deux possibilitéss sont attendues d’ici à la fin de l’année 2003. Bref, après l’engouement initial, Apple se doit de rester fidèle à son credo : rester en avance sur les autres !