Oreka : un modèle viable ?

Mobilité

L’apparition de l’Internet gratuit, communications comprises, ne manque pas de poser des questions quant à la viabilité du modèle économique. Certains n’y voient que de la poudre aux yeux, et d’autres un pari bien risqué.

« Aujourd’hui, il est impossible de financer des communications téléphoniques uniquement avec de la publicité ». Cette vive réaction face à l’annonce d’Oreka provient de Sébastien Crozier, un des fondateurs d’Internet Télécom, un prestataire qui fournit la plate-forme pour l’Internet sans abonnement à de nombreuses marques comme la Fnac ou VNU (l’éditeur de SVM, SVM Mac et VNUnet, ndlr). Selon lui, une heure de communication téléphonique locale, du fait des tarifs d’interconnexion, revient en moyenne à 7 francs à un fournisseur d’accès. Un rapide calcul permet donc d’évaluer le cadeau d’Oreka à 126 francs par mois, au maximum c’est-à-dire quand un internaute utilise à plein son quota de 18 heures. Or, Oreka espère attirer 400 000 abonnés d’ici à la fin de l’année. Résultat des dépenses maximum engagées : plus de 600 millions de francs par an ! Alors que, selon la dernière étude de l’IAB (Internet Advertising Bureau), le marché publicitaire de l’Internet en 99 s’est élevé à 516 millions de francs, en progression de 400 % par rapport à 98…

« Je ne conteste pas l’estimation du prix, même s’il est peu probable que tous nos abonnés utilisent à fond ce forfait de 18 heures », concède David Bitton, le Pdg d’Oreka. « Mais il ne faut pas oublier que nous avons d’autres leviers de coût à faire fonctionner. Tout d’abord la vente de la page d’accueil bloquée, que nous considérons être un nouveau media d’affichage, bien plus ciblé et donc bien plus rentable que la simple bannière. Et nous sommes aussi persuadés que le trafic augmentant nous ferons encore baisser les tarifs des communications », explique-t-il. En réalité, Oreka estime mettre un an à parvenir au point d’équilibre et vise 50 millions de francs de revenus publicitaires pour cette période. Pour l’heure, Oreka déclare être financé à hauteur de 12 millions de francs par iBazar, son partenaire principal. Il profite également de la régie publicitaire du site d’enchères en ligne pour démarcher ses annonceurs. 25 autres millions ont été apportés par des Business Angels. Si un troisième tour de table de financement est en cours de négociation, une prochaine introduction en Bourse apportera peut-être un nouveau souffle financier. Sébastien Crozier d’Internet Télécom est également très pessimiste vis à vis de ce modèle. Pour lui :« il n’est qu’à voir la chute des titres de Liberty Surf ou de WorldOnLine pour se convaincre que le tout gratuit n’est pas encore mûr ».

Pour Christophe Franchini, directeur commercial chez Proxad l’opérateur du FAI sans abonnement Free, le modèle d’Oreka est intéressant, mais un peu risqué. « En tout cas, cela ne correspond pas à notre modèle ‘sans contrainte’ puisqu’il faut subir un affichage publicitaire », explique-t-il. « Et il faut attendre quelques semaines pour évaluer la qualité de service », ajoute-t-il, « un tel modèle repose forcément sur le volume, et je voudrais bien savoir comment ils vont gérer leur système de profil automatique (les sites visités par l’internaute servant à déterminer ses centres d’intérêt, ndlr). Cela demande d’énormes ressources serveurs », prévient-il. Pour lui le marché de l’accès à Internet est encombré d’un nombre déjà important d’acteurs. Il faut impérativement faire ses preuves techniques pour en emporter une partie significative. La balle est dans le camp d’Oreka.