Pourquoi Compaq abandonne le Crusoe

Mobilité

Compaq renonce, après IBM, à utiliser la puce conçue par Transmeta. Problèmes techniques ou pressions commerciales ? Les différents acteurs de ce roman technologique restent silencieux. Toutefois, les investisseurs restent confiants si l’on en croit le cours de l’action Transmeta qui monte en flèche depuis son introduction.

Après le report d’IBM la semaine dernière (voir édition du 2 novembre 2000), c’est au tour de Compaq de renoncer à l’exploitation du processeur Crusoe pour sa gamme de portables Armada au profit du Pentium III basse tension. Le discours est à peine plus nuancé que celui d’IBM. Compaq, qui a investi 5 millions de dollars dans la puce, mettrait en avant le manque de clarification des avantages, tant commerciaux qu’en termes de performances, qu’apporterait la technologie de Transmeta. Ces problèmes seraient inhérents à sa technologie dite de « morphing logiciel » qui, certes, lui permet d’émuler n’importe quel type de processeur, mais ralentit l’interprétation des premières instructions avant de les optimiser ensuite dans un cache mémoire (voir édition du 31 octobre 2000). Bien sûr, Compaq ne s’interdit pas d’intégrer le Crusoe dans de futurs produits, sans préciser lesquels (portables, PDA ?). La seule solution envisageable pour accroître les performances serait d’augmenter la vitesse de l’horloge. Ce qui augmenterait la consommation du processeur qui perdrait ainsi de son intérêt face aux technologies concurrentes.

Transmeta pion d’une stratégie commerciale ?

Après les premières annonces sensationnelles, Transmeta rencontre donc plus de difficultés que prévu à intégrer les chaînes de production des grands constructeurs informatiques. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces revirements. Soit le Crusoe n’offre pas les performances attendues aussi bien en termes d’économie d’énergie que de puissance ou de prix, comme semble le suggérer le constructeur américain, qui rejoindrait alors les récents doutes exprimés par Toshiba (voir édition du 30 août 2000). Dans ce cas, pourquoi un géant comme Sony aurait-il pris le risque de commercialiser une version de son Vaio avec Crusoe disponible au Japon et sur le continent nord-américain ? Soit Compaq, comme IBM, subit des pressions de la part d’Intel dont les processeurs équipent leurs gammes d’ordinateurs de bureau et serveurs. Soit, à l’inverse, Compaq s’est servi de Transmeta pour renégocier ses conditions commerciales avec le fondeur du Pentium.

Une technologie encore jeune

Il est certain que le réveil d’Intel en matière de puce basse tension et l’annonce de son passage en gravure 0,13 micron (voir édition du jour) a pu remettre en cause la supériorité de Transmeta dans le domaine de la faible consommation d’énergie. Et cela, même si le Pentium III basse tension ne sera pas disponible avant 2001. Aujourd’hui, seuls les investisseurs de la première heure continuent de se montrer confiants : Sony, Hitachi, Fujitsu, Nec, et Gateway à travers ses futurs terminaux Internet AOL. Côté asiatique, justement, des rumeurs courent selon lesquelles Compaq Asie intégrera le Crusoe dans un portable.

Quelles que soient les raisons de ces abandons successifs, Transmeta jouit d’une image exceptionnelle et sa technologie encore jeune bénéficie d’une clémence bienveillante. C’est peut-être ce qui lui a valu, pour son entrée en Bourse au Nasdaq mardi 7 novembre (voir édition du 7 novembre 2000), d’atteindre les 45 dollars par action.