Rapport CNNum – « Travail, emploi et numérique »: vers une économie collaborative encadrée ?

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Le Conseil national du numérique (CNNum) émet 20 suggestions pour amortir l’impact du numérique sur l’emploi dans un rapport remis au gouvernement.

Quel est l’impact du numérique pour le marché de l’emploi et les conditions de travail ?

Un sujet épineux sur lequel le Conseil national du numérique a planché au nom du ministère du Travail, de l’Emploi, et de la Formation professionnelle.

L’instance de consultation de référence du gouvernement sur les questions numériques vient de rendre son rapport qui aborde la conduite de la transformation numérique des entreprises, l’impact sur l’emploi de l’automatisation et la numérisation des activités ou la remise en question des notions classiques de travail.

Une contribution à rapprocher de celle de Bruno Mettling, le DRH du groupe Orange, qui avait abordé aussi ses questions dans un rapport relatif à « la transformation numérique et la vie au travail » (également remis au gouvernement en octobre dernier en amont d’une conférence sociale).

Cette fois-ci, c’est un groupe de travail du CNNum sous la houlette de Nathalie Andrieux qui s’est penché sur ces problématiques dans une étude intitulée « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires ».

Une cinquantaine d’audition d’experts (sociologues, juristes, économistes, prospectivistes…) ont été menées pour cerner les enjeux, aborder les sujets épineux (comme la segmentation du marché du travail, les conditions de travail ou la notion « d’uberisation ») et aboutir à une vingtaine de propositions portant sur l’action publique, la formation, le dialogue social, les organisations et relations de travail, la transformation de l’industrie.

Myriam El Khomri, ministre du Travail, l’admet : « Nous ne pouvons pas ignorer les tensions sociales actuelles liées à la révolution numérique. Les événements récents autour de la société Uber n’en révèlent qu’une partie. »

Parmi les pistes évoquées, le CNNum a travaillé sur la manière de concevoir le futur compte personnel d’activité (CPA). Censé accompagner les « transitions professionnelles », ce dispositif est présenté comme « un outil d’empouvoirement individuel et de sécurisation des transitions » (sic). « A construire en partant des besoins des utilisateurs, selon des méthodes agiles et de design thinking », préconise le think tank proche du gouvernement.

Pour la validation des acquis de l’expérience (VAE), le CNNum prône un « assouplissement » et une « simplification » du dispositif, via le développement de plateformes en ligne.

Vers un revenu de base adapté à l’économie collaborative ?

Outre le ministère du Travail, le rapport devrait aussi intéresser Bercy. Car le thème de l’encadrement de l’économie collaborative est évoqué. Et cela devrait attirer l’attention d’Emmanuel Macron, ministre de l’Economie qui prépare un projet de loi sur « les nouvelles opportunités économiques ».

Le CNNum évoque un « principe de loyauté des plateformes aux acteurs de l’économie collaborative » et un soutien aux initiatives de mobilisation des travailleurs de ces plateformes, « qui souffrent d’un manque de représentation dans le dialogue social national ».

Il s’agit d’avancer dans le sens d’une protection sociale effective des travailleurs indépendants « mais économiquement dépendants » comme les auto-entrepreneurs.

L’idée d’un « revenu de base, inconditionnel et universel qui précède la révolution numérique » fait son chemin. Le CNNum propose de réaliser une étude de faisabilité sur le sujet et de procéder à des expérimentations sur le terrain.

Ce thème inspire Benoît Thieulin, Président du CNNum. « Pour le moment, la révolution numérique n’est pas soutenable et il n’est pas impossible qu’elle entraîne un accroissement des inégalités et une paupérisation massive. Nous ne pouvions donc pas écarter ce scénario. C’est pour cela que nous avons formulé des propositions de méthode plutôt qu’un dispositif précis autour du revenu de base ».

Pour faire évoluer le cadre rigide du code du travail, il est également soufflé l’idée d’un « droit individuel à la contribution » qui autoriserait la participation d’un travailleur (fonctionnaire ou salarié du secteur privé) à des projets en dehors de son organisation principale (activités associatives, création d’entreprises, projets de recherche, projets d’intérêt général, etc.). Celui-ci pourrait être considéré comme un « temps de formation » (et donc comptabilisé dans le futur CPE).

Des points concernent aussi Pôle Emploi : dans son rapport, le CNNum évoque des pistes pour la recherche et l’offre d’emploi : définition de parcours utilisateurs, déploiement d’outils de simulation de la mobilité et de l’employabilité et ouverture de l’écosystème de l’emploi en ligne, mise en place d’espaces collaboratifs, d’expérimentations, de fab labs)…

Dans les formes alternatives de collectifs de travail, l’instance parapublique de consultation sur les questions numériques apprécie des formes émergentes de « coopératisme de plateforme », imaginée par l’universitaire américain Trebor Scholz et appliquée par des structures comme La Zooz ou Fairmondo.

Ces préconisations devraient alimenter en partie un projet de loi sur l’emploi qui sera poussé par Myriam El Khomri d’ici la fin du premier trimestre 2016.

La prochaine loi abordera divers thèmes (réforme du code du travail, médecine du travail, CPA..) et puisera les idées dans des contributions comme celles des rapports Mettling, Terrasse (sur l’économie collaborative) et le rapport tout frais remis par le CNNum.

(Crédit photo : Shutterstock.com – Droit d’auteur : Rawpixel.com)

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