Renseignement : la contestation numérique ne faiblit pas

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Le vote solennel de l’Assemblée nationale sur le projet de loi sur le renseignement surviendra demain (5 mai). Les opposants venus de tous horizons demeurent mobilisés.

Le vote solennel sur le projet de loi sur le renseignement à l’Assemblée nationale devrait survenir demain (mardi 5 mai). S’il est contesté par la plupart des acteurs de l’économie numérique, le texte devrait être adopté par les députés. Sauf revirement surprise.

Le PS et l’UMP ont déjà pris position favorablement. Tandis que d’autres camps (Europe Ecologie-Les Verts, Front de gauche, Front national) rejettent le projet de loi.

Il arrive que le débat transcende les lignes des blocs politiques. Ainsi, des députés comme Laure de la Raudière, Pierre Lellouche (UMP) ou Hervé Morin (UDI) ou Christian Paul (PS) ont exprimé de fortes réticences, quitte à s’écarter des consignes de vote.

Si le fondement du texte qui vise à adapter le cadre législatif de la communauté du renseignement à l’ère numérique est légitime, certains points font bondir des associations militantes pour la défense des libertés civiles sur le Net (comme la Quadrature du Net), d’associations pour la défense de la liberté d’expression (Amnesty International, Reporters sans frontières…) mais aussi des groupements professionnels ou think tanks de l’Internet (comme Syntec Numérique, Renaissance Numérique ou le collectif Ni Pigeons Ni Espions rassemblant surtout des hébergeurs) et tout un aréopage d’organisations qui forment une coalition assez originale (Ordre des avocats de Paris, SNJ pour les journalistes, Syndicat de la Magistrature…).

Sans compter sur les réserves plus ou moins appuyées qui ont été exprimées par des autorités de régulation comme l’ARCEP ou la CNIL et par des comités consultatifs comme le Conseil national du Numérique ou la Commission consultative des droits de l’Homme (CNCDH).

Un mouvement de contestation dans lequel les opérateurs télécoms sont globalement restés en retrait. Alors qu’ils sont directement concernés…

Alors le gouvernement va-t-il rester insensibles au malaise exprimé dans la société civile ? Malgré des amendements censés assouplir la tonalité globale du projet de loi sur le renseignement, la sensation de la parti du citoyen de perdre un bout de liberté numérique est forte.

LeMonde.fr a tenté de rassembler les éléments qui crispent autour de ce texte : crainte d’une cyber-surveillance généralisée au regard des vastes champs des domaines concernés (lutte anti-terrorisme, « intérêts majeurs de la politique étrangère », « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions », criminalité organisée, violence urbaine…), le caractère intrusif des outils de cyber-espionnage, carence dans le système de contrôle et de régulation des écoutes électroniques via la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), recours à la détection précoce des menaces via l’installation de « boîtes noires » sur les réseaux des opérateurs et des hébergeurs…

Le vote solennel n’est pas intervenu à l’Assemblée nationale mais des saisines du Conseil constitutionnel sont déjà évoquées. Une soixantaine de députés seraient prêts à saisir la plus haute instance en charge de veiller à nos libertés érigées dans le marbre de la Constitution.

Plus surprenant (« du jamais vu sous la Cinquième République »), le Président de la République François Hollande a annoncé son intention d’effectuer une démarche similaire auprès du Conseil constitutionnel. Une manière de se couvrir en cas de camouflet infligé au gouvernement sur ce projet de loi ? L’initiative prise par François Hollande symbolise une certaine fracture entre la position ferme du gouvernement Valls et celle de la Présidence de la République.

Des organisations pour les droits de l’Homme comme la FIDH et la LDH ne lâchent pas prise devant la justice.

Elles ont déposé ce jour un recours auprès du procureur général de Paris contre la décision de classement sans suite, prise par le parquet le 13 avril à propos d’une plainte visant les services de renseignement français pour des pratiques illégales de surveillance, qui avait été introduite en décembre 2014.

En attendant le vote solennel à l’Assemblée national, les internautes ont le choix de manifester leurs mécontentements à travers un rassemblement organisé ce soir aux Invalides, une pétition en ligne qui circule sur Change.org et la consultation de médias en ligne qui se mobilisent (Mediapart, PCInpact ou Numerama).

Le débat n’est pas clos. La petite loi va passer devant le Sénat pour une lecture unique au nom d’une procédure accélérée au Parlement décidée par le gouvernement.

S’il n’y pas de grain de sable dans l’engrenage, le texte devrait être promulgué d’ici la fin de l’été.

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