Renseignement : pour OVH, c’est plié mais restons vigilants

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Sur fond d’alliance réseaux et cloud, Alban Schmutz (OVH) et Florian du Boys (Zayo) ont abordé la manière dont ils perçoivent le projet de loi sur le renseignement. A quelques heures du vote solennel à l’Assemblée nationale.

Peut-on s’attendre à un retournement de situation dans le projet de loi sur le renseignement ?

Difficile de l’imaginer à quelques heures du vote solennel à l’Assemblée nationale (prévu à 16h15)…OVH et Zahio (ex-Neo Telecoms) ont évoqué ce sujet en marge d’une conférence de presse organisée ce matin au cours de laquelle les deux prestataires IT ont annoncé un partenariat pour industrialiser l’interconnexion réseaux dans le cadre d’exploitation de services cloud dédiés aux entreprises.

« Je n’ai jamais autant regardé les chaînes parlementaires », admet Alban Schmutz, Vice-président en charge du développement et des affaires publiques chez OVH. Il s’est impliqué fortement sur ce dossier du projet de loi sur renseignement pour mesurer les impacts économiques et mobiliser les professionnels de l’hébergement du Web (« une première » dans le secteur).

Le manager d’OVH considère que des concessions importantes d’un point de vue technique sur la portée des boîtes noires qui ont vocation à être installées sur les infrastructures des opérateurs télécoms et des hébergeurs ont été obtenus de la part du gouvernement. Et ce, en plein débat à l’Assemblée nationale.

Mais, sur le fond du débat et à quelques heures du vote solennel à l’Assemblée nationale, Alban Schmutz se montre résigné. D’abord en tant que citoyen puis représentant de la société OVH.

« Le sujet dépasse la compétence de nos élus (…) C’est un enjeu de choix de société. Le débat a été galvaudé car il a été présenté initialement comme s’il ne s’agissait que de choix techniques. »

Au Parlement, la procédure d’urgence enclenchée pour examiner ce projet de loi (une seule lecture par chambre) ne permettrait pas d’avoir une réflexion sereine. Malgré des alertes lancées par diverses institutions (CNIL, Défenseur des droits, CNNum…) et une forte mobilisation numérique des organisations militantes, corporatistes et professionnelles. Une contestation que les pouvoirs publics n’ont pas pu ignorer.

Alban Schmutz regrette aussi le manque d’assiduité des députés pour participer à ce débat et comprendre les enjeux. Entre aveuglement, incompréhension et manque de discernement…

Les parlementaires donnent l’impression qu’ils n’ont pas vraiment envie d’approfondir le sujet. En se contentant de considérer juste que cette loi sur le renseignement a vocation à améliorer la lutte contre le terrorisme.

Alors que l’implication du projet de loi déborde largement ce prisme puisqu’elle touche des domaines comme « les intérêts majeurs de la politique étrangère », la « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions », la criminalité organisée, la violence urbaine…

Et cette sensation d’empiéter sur les libertés civiles demeure sans un réelle contre-pouvoir au service du citoyen.

« Nous avons un devoir d’éducation mais les élus devraient avoir un devoir de comprendre », estime Alban Schmutz, qui, à la louche, considère que moins de 5% des élus de la représentation nationale sont conscients des enjeux numériques.

Peut-on entre-apercevoir une éclaircie avec le passage du texte au Sénat ? Alban Schmutz n’y croit pas. « Je ne pense pas que je pourrais me faire davantage comprendre », estime le porte-parole d’OVH. « L’ambiance générale perçue au Sénat, c’est ‘il faut faire passer le truc. »

Un débat qui va déborder sur les OIV ?

Invité dans les locaux parisiens de l’ex-Neo Telecoms du nom de cet opérateur d’infrastructures très haut débit passé l’an dernier dans le giron du groupe américain Zayo, Florian du Boys, CEO de Zayo France, admet que les activités de sa société sont désormais soumises au cadre législatif américain du Patriot Act (loi anti-terroriste voté par le Congrès après les attentats du 11 septembre 2001 qui a des implications sur les données dans le cloud exploités par des groupes IT américains au-delà des USA).

Tout en relativisant son impact réel : « Les craintes sont supérieures à la réalité des faits », considère-t-il.

Zayo France sera-t-il aussi concernée par les « boîtes noires » en France ? Florian du Boys reste évasif. De son côté, Alban Schmutz considère que « Zahio sera quand même concerné par le périmètre de ce qui va être fait en France. »

Car la responsabilité dans le secteur télécoms (opérateurs, hébergeurs et prestataires d’interconnexion) risque d’évoluer avec le changement de périmètre des opérateurs d’importance vitale (OIV).

« Il existe des infrastructures critiques chez Zayo et l’Etat a une vue extensive de ses responsabilités en matière d’OIV. C’est un sujet en dehors du renseignement et cela va venir dans les mois qui viennent « , prédit Alban Schmutz.

Fin mars, Silicon.fr avait indiqué que plus de 200 entreprises dites « d’importance vitale » – c’est-à-dire qui touchent aux intérêts stratégiques de la Nation – sont désormais soumises à un dispositif de sécurité contraignant, régi par l’ANSSI (agence nationale en charge de la sécurité IT) en vertu de l’application de la Loi de programmation militaire (LPM).

La structuration de la sécurité informatique des OIV et le renforcement des prérogatives de l’ANSSI en la matière doit encore faire l’objet de publications progressives d’arrêtés.

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Florian du Boys, CEO de Zayo France, et Alban Schmutz, SVP OVH

 

 

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