Route barrée pour Uber à Londres : entre réjouissances et crispations

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L’autorité de régulation des transports du Grand Londres refuse de renouveler la licence qui permet à Uber d’exercer dans la capitale. Les réactions fusent.

« Si cette décision demeure, elle mettra plus de 40 000 chauffeurs sur le carreau et privera des millions de Londoniens d’une forme de transport pratique et financièrement accessible. »

La pétition dont sont extraits ces propos a recueilli environ 150 000 signatures depuis sa mise en ligne il y a quelques heures.

L’initiative est destinée à attirer l’attention de Sadiq Khan.

Le maire de Londres affirme « approuver pleinement » le choix de l’autorité locale de régulation des transports, qui n’a pas renouvelé la licence d’Uber.

 

Sécurité publique

Ladite licence arrive à échéance le 30 septembre 2017. Passé cette date, la firme américaine ne pourra plus exploiter, dans la capitale britannique, son service de mise en relation pour le transport privé de personnes*.

Il lui est notamment reproché d’avoir fait preuve de laxisme concernant des accusations de viol et d’agression sexuelle de passagers.

En la matière, un inspecteur de police suggérait, le mois dernier, qu’Uber avait « privilégié sa réputation à la sécurité publique » en laissant exercer un chauffeur visé par des plaintes.

Les autorités pointent aussi du doigt le dispositif Greyball. Elles estiment qu’Uber n’a pas fourni d’explications satisfaisantes sur ce logiciel qui, pour reprendre les termes qu’emploie la société, permet de montrer au passager une « version différente de l’application ».

Derrière cette exploitation présentée comme légitime se cacheraient des techniques de camouflage visant à contourner la vigilance des représentants des pouvoirs publics susceptibles de contrôler les chauffeurs.  

Les taxis jubilent

Le fil d’actualité mis en place par l’Evening Standard laisse entrevoir l’éventail de réactions que suscite la décision.

Du côté de Steve McNamara, on se réjouit. « Depuis son arrivée dans nos rues [en 2012, ndlr], Uber a enfreint la loi, exploité ses chauffeurs et refusé de prendre à sa charge la sécurité des passagers », déclare le secrétaire général de la Licensed Taxi Driver’s Association.

Même son de cloche chez la société mytaxi : « Ça fait longtemps que nous nous demandons si Uber respecte la lettre et l’esprit de la loi ». Et d’ajouter : « Nous sommes persuadés que le modèle économique [consiste en] des levées de fonds à la chaîne qui permettent de casser les prix dans l’optique d’évincer la concurrence, puis de les remonter une fois en situation de monopole ».

Chez les utilisateurs interrogés par le Guardian, c’est plutôt la soupe à la grimace, comme pour cette personne en fauteuil roulant qui déplore que « moins de 30 % » du réseau de métro lui soit accessible ; ou pour cette utilisatrice qui se dit « rassurée » de pouvoir rentrer de soirée en Uber.

« La vie à Londres vient de redevenir plus chère », lance un twittos, tandis qu’un autre trouve « stupide de bannir Uber pour quelques taxis qui vivent encore dans le passé ».

Membre de l’Assemblée de Londres, le conservateur Andrew Boff est sur la même ligne : « En mettant un terme à l’activité d’une société comme Uber, le maire fait très mal à la réputation de notre ville. »

Qu’en pense le principal intéressé ? Revendiquant 3,5 millions d’utilisateurs de son application dans la capitale britannique, il a signalé son intention de contester immédiatement en justice cette décision qui « montre à tous que Londres est fermée aux sociétés innovantes ».

Coup de massue pour les chauffeurs ?

« Déposséder Uber de sa licence après cinq ans de laisser-faire témoigne d’un problème systémique chez TfL [Transport for London, autorité régulatrice] », estime pour sa part James Farrar.

Cet ancien chauffeur est engagé dans un bras de fer judiciaire contre l’entreprise californienne. Il a remporté une première manche auprès de l’Employments Tribunal.

L’équivalent de notre Conseil des prud’hommes a considéré que les chauffeurs Uber étaient des salariés et qu’ils pouvaient par là même bénéficier d’un salaire minimum ainsi que de congés payés, au nom de l’Employment Rights Act de 1996 et du Minimum Wage Act de 1998.

Dans cette affaire, une audience en appel est prévue la semaine prochaine.

On peut s’attendre à la même tournure sur la question de la licence. Uber dispose de 21 jours pour enclencher la procédure.

* L’offre se divise, sur place, en cinq formules : uberX (service « classique » avec berlines), uberXL (véhicules de 6 places ou plus ; équivalent de VAN en France), UberEXEC et UberLUX (haut standing), ainsi qu’Access (pour les handicapés).


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