S. Dubreuil (Sia Conseil): ‘L’iPhone sera lancé dans quatre pays européens’

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Le directeur Télécoms & Médias de la société de conseils en management et
stratégie décrypte les enjeux de l’arrivée de l’iPhone en Europe.

Difficile de retrouver une telle effervescence autour d’un produit électronique grand public depuis le lancement de la console de jeux PlayStation 2 par Sony il y a sept ans. La sortie de l’iPhone, le terminal mobile multimédia d’Apple promis à un déploiement mondial, est scrutée par la plupart des cabinets d’études IT. Mais, en France, Sia Conseil assure avoir diffusé la première étude européenne sur les impacts du lancement de l’iPhone en Europe (voir encadré en bas de l’interview).

Pour le compte de Vnunet.fr, Stéphane Dubreil, directeur Télécoms & Médias de la société de conseils en management et stratégie et auteur de l’étude « iPhone, Mythe ou Révolution », décrypte les enjeux liés à la prochaine arrivée de l’iPhone en Europe. (Interview réalisée le 06/07/07)

Vnunet.fr : Avant de développer le cas de l’iPhone en Europe, comment expliquez-vous son succès aux Etats-Unis ?
Stéphane Dubreuil : Le succès américain est surprenant et dépasse tous les pronostics. Nous sommes dans l’exceptionnel voire l’irrationnel. Apple est la première marque de luxe dans l’électronique grand public. Quelles sont les caractéristiques d’une marque de luxe ? Les tarifs sont élevés, la gestion de la rareté est volontaire, elle a une distribution sélective, elle confère à ses consommateurs qui souhaitent acquérir ses produits un désir d’appartenance très fort et un code social très puissant. Prenez l’exemple des écouteurs blancs de l’iPod qui permet aux détenteurs du baladeur numérique d’Apple de se reconnaître entre eux. Que ce soit dans l’univers informatique ou des télécoms, l’achat d’un produit Apple est complètement irrationnel (cohue dans les magasins, les enchères instantanées sur eBay, le fait de payer des personnes pour faire la queue à sa place devant le magasin?). L’iPod reste un exemple frappant : c’est l’un des produits le plus chers et, d’un point de vue technologique, ce n’est pas le plus abouti. Et pourtant, sur le marché des baladeurs numériques, l’iPod représente 60 à 70% des volumes de vente. Le cas de l’iPhone est aussi singulier : son prix est élevé (499 ou 599 dollars) et le terminal ne présente pas d’innovations très marquées. Et pourtant, c’est un achat irrationnel. On achète l’iPhone pour une histoire et toute l’émotion que la marque Apple génère. Enfin, il ne faut pas oublier la gestion remarquable du marketing et de la communication. Steve Jobs est certainement l’un des plus grands gourous dans ces domaines.

Vnunet.fr : Beaucoup d’informations circulent dans la presse concernant le lancement de l’iPhone en Europe ? Quels les premiers éléments tangibles ?
Stéphane Dubreuil : Apple se retrouve dans une position moins forte, avec une perception d’innovation moindre. Puisque, contrairement aux Etats-Unis, la 3G est déployée en Europe. Le rapport de force n’est pas la même. Apple a changé de stratégie en cours de route. Au départ, la firme comptait sur un interlocuteur unique en charge de la distribution de l’iPhone en Europe. Mais il y a un problème : en regardant les quatre plus grands opérateurs européens (T-Mobile, Orange, Vodafone, Telefonica), chacun possède des positions et des parts de marché différentes en fonction des pays d’implantation. Certes, en France et en Espagne, il y a des leaders incontournables (respectivement Orange et Telefonica) mais leurs parts de marché est variable dans d’autres pays européens. Apple s’est rendu compte que la position des acteurs télécoms en Europe était plus complexe et ils ont dû changer de stratégie. La firme a décidé de négocier pays par pays. A mon avis, Apple a l’intention de lancer l’iPhone dans les quatre pays majeurs de l’Europe (Royaume-Uni, Allemagne, France et Espagne) et non sur les trois comme on tend généralement à présenter la sit uation. Je pense que les négociations ont lieu entre les deux premiers opérateurs mobiles de chaque pays et qu’Apple fait jouer la concurrence. Ce qui sera déterminant, c’est le seuil de tolérance des opérateurs face aux exigences d’Apple.

Vnunet.fr : Pourquoi cette pression d’Apple sur son modèle ?
Stéphane Dubreuil : Avec l’iPhone, le paradigme traditionnel dans l’univers des télécoms change radicalement. C’est l’équipementier et non l’opérateur qui a la main directe avec le client final et qui lui vend du contenu. C’est un modèle complètement nouveau qui brise la structure et l’organisation du marché européen. Aujourd’hui, les opérateurs européens n’acceptent pas que leurs portails mobiles disparaissent au profit des services mobiles Apple. Dans les négociations ouvertes, je pense qu’ils poussent à une co-existence des portails sur le terminal. Le fait de multiplier des contrats locaux avec chaque opérateur (paramétrages techniques spécifiques, gestion de la relation clients différente?) n’arrange pas Apple. Conformément à la stratégie de lancement mondial de l’iPhone et fort de son premier succès aux Etats-Unis, la firme de Steve Jobs fait tout pour que ses opérateurs interlocuteurs appliquent au plus près son modèle.

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