SAIP : l’application mobile d’alerte attentat écorchée par le Sénat

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Un rapport sénatorial pointe du doigt l’inefficacité de l’application mobile associée au système d’alerte et d’information des populations (SAIP).

« Le choix d’avoir abandonné le Cell Broadcast, initialement envisagé, au profit d’une application smartphone pour des raisons budgétaires et d’absence de volonté des opérateurs, est critiquable ».

Cette observation figure dans un rapport sur le système d’alerte et d’information des populations (SAIP).

Publié ce 7 août 2017, le document avait été remis fin juin à la présidence du Sénat par Jean-Pierre Vogel (LR, Sarthe), au nom de la commission des finances.

L’application smartphone dont il est question s’inscrit dans le dispositif SAIP.

Ce dernier doit succéder au RNA (Réseau national d’alerte), institué après la Seconde Guerre Mondiale par le Service de la protection civile pour répondre à des risques de nature militaire et dont l’obsolescence avait été mise en évidence dans un rapport de 2002.

Enclenché en 2009 par le ministère de l’Intérieur, la SAIP vise à permettre aux acteurs de la gestion de crise de lancer l’alerte dans une zone géographique donnée, par une opération unique sur différents vecteurs : sirènes, téléphonie mobile, médias radio et TV, panneaux à message variable…

Airbus : décollage tardif

Initialement estimé à 78 millions d’euros, le coût du projet a récemment été revu à 81,5 millions d’euros.

À l’heure actuelle, seules les sirènes sont en cours de connexion au SAIP, avec un retard de 37 mois dans la livraison du logiciel central de commande, dont l’élaboration a été confiée à Airbus Defence and Space (ex-Cassidian).

Non sans souligner que ledit logiciel n’est « toujours pas déployé dans les SDIS, les préfectures et les communes », Jean-Pierre Vogel en dénonce l’intérêt relatif, vu l’absence de connexion prévue à court terme avec les autres moyens d’alerte.

Le sénateur regrette plus globalement la priorité donnée aux sirènes, auquel un budget de 35,5 millions d’euros a été alloué sur la première phase du projet (2012 – 2019), contre 5 millions d’euros pour les études opérationnelles concernant la téléphonie mobile.

Or, il estime que « la relative simplicité d’utilisation de la sirène doit être examinée à l’aune de l’émergence des nouveaux moyens de communications beaucoup plus souples », tout en notant que l’efficacité de ce dispositif « historique » peut être limité par des facteurs météorologiques ou topologiques.

Des opérateurs réticents

Sur le volet mobile, l’objectif initial défini en 2011 était de mettre en œuvre le Cell Broadcast, solution technique permettant la diffusion, en toutes circonstances et indépendamment de la charge supportée par les réseaux des opérateurs, de SMS d’alerte et d’information « prioritaires » et « différenciables ».

Des discussions avaient été menées avec les opérateurs, mais n’avaient pas pu aboutir « pour des raisons de volonté de ces derniers ou de coûts non soutenables et non compatibles avec les enveloppes budgétaires existantes », selon la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

La technologie n’est par ailleurs pas systématiquement embarquée dans les smartphones (Apple ne l’a fait qu’en 2012 à la demande des autorités fédérales américaines après le passage de l’ouragan Sandy) et n’étant pas encore compatible avec la 4G, ce qui demande l’intégration d’une fonctionnalité particulière dans les équipements réseau.

Face à ces considérations et à l’efficacité considérée comme limitée des SMS géolocalisés (notamment de par une vitesse d’acheminement trop faible dans un contexte de crise et de probable saturation des réseaux), il avait été décidé de remplacer le Cell Broadcast par une app mobile. Le Premier ministre Manuel Valls avait appuyé la démarche à la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et dans la perspective de l’EURO 2016.

« Défaillances persistantes »

Problème pour Jean-Pierre Vogel : l’activation de l’application requiert un téléchargement. Or, le compteur en affiche pour l’heure moins d’un million, quand 5 millions seraient nécessaires pour atteindre une « masse critique ».

L’application SAIP s’appuie en outre sur le réseau Internet, qui peut être vulnérable en cas de crise. Et elle présente ce que le sénateur qualifie de « défauts structurels » : obligation de la conserver en tâche de fond sur iOS, grosse consommation de batterie du fait d’une géolocalisation quasi continue en cas d’alerte…

L’intéressé relève d’autres de ces « défaillances persistantes » dues au fait que l’application a été développée « dans l’urgence ». Le marché avait en l’occurrence été notifié le 27 mai 2016 à la société Deveryware, moins de deux semaines avant le coup d’envoi de l’EURO. Le tout avec des contraintes telle celle de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, qui souhaitait garantir l’absence de remontée des données de géolocalisation vers un serveur central.

Constatant aussi que l’application entre en concurrence avec des services comme le Safety Check de Facebook, Jean-Pierre Vogel recommande un renforcement de la coopération entre l’État et les gestionnaires de ces services… sans pour autant tomber dans une « doctrine d’emploi trop timide » qui pourrait mener à des situations telles que lors de la fusillade du 20 avril 2017 sur les Champs-Élysées : la Préfecture de police de Paris avait diffusé ses premiers messages sur Twitter.

Crédit photo : Hadrian – Shutterstock.com


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