SCO attaque IBM en justice

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Voilà qu’un modeste éditeur s’attaque au plus grand groupe informatique mondial. Objet du conflit : une utilisation inappropriée de brevets de propriété intellectuelle sur Unix au profit de Linux. Est-ce le début d’une remise en question juridique du logiciel libre ?

Le plus grand défi qui attend Linux, et plus généralement les logiciels libres, ne serait-il pas, contre toute attente, juridique ? Alors que l’OS libre gagne jour après jour en légitimité auprès des entreprises, voilà qu’un coup bas lui est porté par? le distributeur d’une suite Linux, SCO Group (anciennement Caldera), par ailleurs éditeur d’un Unix propriétaire. L’éditeur vient en effet de déposer une plainte contre IBM pour utilisation inappropriée de brevets Unix lui appartenant, et ce afin de renforcer Linux. SCO réclame un minimum de 1 milliard de dollars de dommages et intérêts.

Fin janvier, l’éditeur avait décidé de faire appel aux services d’un célèbre avocat, David Boies, afin de faire valoir ses droits sur les brevets de propriété intellectuelle qu’il détient sur Unix, et par contrecoup sur Linux puisqu’il est de notoriété publique que Linux s’inspire largement d’Unix. Ce fait ? la détention par SCO de droits de propriétés sur Unix, eux-mêmes rachetés à Novell ? semble avéré. Ils porteraient précisément sur une des versions du noyau Unix : Unix System V. Droits de propriété qui avait été successivement dans les mains d’AT&T, d’IBM, de Hewlett-Packard, au gré de l’histoire complexe d’Unix.

La valeur économique d’UnixDans un premier temps, SCO a mis en place un système de licences destiné à ses clients ayant des logiciels tournant sous son Unix et voulant migrer vers Linux. Pour cela, il leur faut en effet utiliser des bibliothèques appartenant à l’éditeur et dont il a décidé de faire payer l’usage par le mécanisme en question, ce qui n’est pas scandaleux au vu de sa situation financière peu reluisante.

Aujourd’hui, l’offensive judiciaire de SCO prend une toute autre ampleur. Si elle prend pour cible IBM, c’est que ce dernier a travaillé en partenariat avec SCO sur une version d’Unix destinée aux serveurs Intel 64 bits, dans le cadre d’un projet, dont le nom de code était Monterey, auquel IBM a mis fin en mai 2001. Et ce que SCO reproche à IBM, c’est d’avoir utilisé le code source de l’Unix codéveloppé avec SCO afin d’améliorer Linux, en particulier sa capacité à fonctionner sur les serveurs multiprocesseurs. Ce faisant, explique SCO Group dans un communiqué, IBM a contribué à « détruire la valeur économique d’Unix, en particulier les Unix pour les processeurs Intel ». Selon SCO, de nombreuses déclarations des dirigeants d’IBM ont clairement fait état de leur volonté d’utiliser les apports à la fois de Monterey et de versions précédentes de l’Unix d’IBM afin de contribuer au développement de Linux.

Une confiance entaméeSCO a-t-il une chance de parvenir à ses fins ou n’est-ce que le baroud d’honneur d’une entreprise aux abois ? A priori, s’il s’attaque à un gros poisson comme IBM, c’est qu’il doit tout de même avoir des arguments assez convaincants. Mais d’autres questions se posent : l’éditeur étendra-t-il son offensive à d’autres groupes ? Aux distributeurs Linux ? Plus généralement, au fur et à mesure que Linux et les logiciels libres s’implantent en entreprise et menacent les positions des éditeurs de logiciels propriétaires, ceux-ci ne vont-ils pas être tentés d’utiliser l’arme juridique pour bloquer le mouvement ?

L’enjeu de l’offensive lancée par SCO est donc de taille. Une issue favorable pourrait entamer la confiance grandissante des entreprises vis-à-vis de Linux, l’adoption de logiciels libres risquant de se traduire pour elles par un casse-tête juridique. Par ailleurs, la confusion engendrée par cette affaire pourrait tourner à l’avantage des adversaires du logiciel libre tel Microsoft. En revanche, si l’offensive de SCO échoue, Linux en sortira incontestablement renforcé.