Sophie Dingreville, IRIS Capital : « Une levée de fonds, c’est un mariage d’intérêts »

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Sophie Dingreville par Olivier Ezratty

Partner chez Iris Capital Management, Sophie Dingreville revient sur l’ambition de ce fonds d’investissement et sur sa relation avec les entrepreneurs

 Vous êtes associée chez Iris Capital, un investisseur en capital risque qui a déjà investi près d’un  milliard d’euros dans plus de 200 start-up mais d’où viennent ces fonds ?

Sophie Dingreville – Ces fonds proviennent essentiellement d’investisseurs institutionnels. Historiquement nous étions une entité de la Caisse des Dépôts, mais Iris Capital a pris son indépendance et son bon track record lui a permis d’attirer de nouveaux investisseurs, qui représentent désormais les trois quarts de ces fonds.  Depuis l’année dernière, nous avons par ailleurs la gestion de l’initiative Venture d’Orange et de Publicis, qui représente à elle seule 150 millions d’euros dont la majorité reste à investir.

 

Vous recevez plus de 100 dossiers par mois.  Quels sont vos critères d’investissement ? Préférez vous les chercheurs d’Or ou les vendeurs de pioches ?  

Sophie Dingreville –L’important est qu’il y ait effectivement une mine d’or ! Cela peut être lié à une technologie disruptive, un nouvel usage ou une zone géographique à fort potentiel, par exemple dans un pays émergent. Et si notre analyse confirme le potentiel d’un marché, nous sommes prêts à investir dans un « chercheur d’or » ou un « vendeur de pioche ».

 

Vous accordez beaucoup d’importante aux équipes, quelle doit être leur première qualité pour vous séduire ? A l’inverse, quel défaut peut être rédhibitoire ?

Sophie Dingreville – La première qualité d’un entrepreneur doit être sa connaissance de son marché. Il doit également être lucide sur ses forces et faiblesses ne serait-ce que pour savoir s’entourer de profils complémentaires tout au long du développement de sa société. Une levée de fonds, c’est un mariage d’intérêts, pour le meilleur et pour le pire, et nous pouvons renoncer à certains dossiers, parfois très prometteurs, si nous sentons que nous ne pourrons pas établir de relation de confiance avec l’entrepreneur.

 

Sur les 15 dernières années, peu de jeunes pousses hexagonales se sont introduites en bourse ou ont été rachetées par des multinationales. Le frein est il politique, culturel, économique ? Les  jeunes pousses sont elles solubles dans les grandes entreprises ?

Sophie Dingreville –Les pouvoirs publics jouent leur rôle en participant au financement des fonds d’amorçage au travers du grand emprunt. Et il y a effectivement une différence culturelle entre la France et les Etats-Unis en matière de création d’entreprise. En cas d’échec, les entrepreneurs américains ont plus facilement une seconde chance.

Des entreprises comme Orange ou Publicis ont mobilisé des millions d’euros pour financer les entreprises innovantes. Mais en dehors de quelques initiatives de ce type, il est vrai qu’il y a relativement peu de rachats de jeunes pousses par de grands groupes français et que quand ces opérations se réalisent, elles se font à des niveaux de valorisation assez bas par rapport aux rachats par des groupes nord-américains. Le faible nombre de très belles sorties françaises explique d’ailleurs que les fonds de capital risque français affichent une rentabilité en moyenne inférieure à celle de leurs homologues américains.

 

Vous êtes très exigeante vis-à-vis de vos participations, mais quid de votre propre performance ? Sur l’ensemble de vos participations, les sociétés de capital risque ont-elles un rendement supérieur .. À celui d’un livret A ?

Sophie Dingreville – Nous sommes un investisseur spécialisé dans l’économie digitale. Sur  la vie d’un fonds, c’est-à-dire 10 ans , notre objectif est de rendre à nos investisseurs deux fois les sommes investies. Pour y parvenir, nous pouvons opter pour une gestion équilibrée sur l’ensemble de nos participations, ou rechercher des pépites comme Wavecom ou UnwiredPlanet, qui à elles seules assureront le retour sur investissement de l’ensemble d’un fonds. Si nous sommes en mesure d’attirer de grands investisseurs institutionnels, c’est d’ailleurs parce que la rentabilité d’Iris Capital est supérieure à la moyenne du segment.

 

On voit d’anciens entrepreneurs devenir investisseurs mais la réciproque est elle possible ? Pourriez vous un jour abandonner votre poste et créer votre propre entreprise ?

Sophie Dingreville – Chez Iris Capital, nous sommes très admiratifs des entrepreneurs, de leur vision, de leur capacité à impacter un marché. Notre rôle est différent

 

(c) photo de Sophie Dingreville par Olivier Ezratty

 

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