Steve Jobs s’insurge contre la ‘générosité’ de Microsoft

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La proposition de Microsoft de régler les quelque 100 poursuites lancées contre lui en aidant les écoles défavorisées n’est pas du goût de la Pomme. Steve Jobs est sorti du mutisme habituel de la firme pour tancer vertement les exagérations de son collègue de Redmond. Apple détient près de 50 % du marché américain de l’éducation, ce n’est pas pour se les faire ravir par une injuste décision de justice.

Incroyable situation : alors que Microsoft Office v.X, la suite bureautique la plus réussie de l’empire de Bill Gates, est sortie mercredi 28 novembre 2001 pour Macintosh en France, Apple se voit contrainte de critiquer ouvertement Redmond ! Et pour de bonnes raisons : pour régler un ensemble de plaintes en justice déposées par des particuliers, Microsoft propose d’offrir 1 milliard de dollars (1,11 milliard d’euros) de compensations aux écoles défavorisées du système éducatif américain. Mais cette proposition, sous des dehors généreux, s’apparente beaucoup plus à un moyen de ravir le seul bastion où le système d’exploitation de la firme ne dispose pas d’un monopole : l’éducation. Même si Dell tente actuellement une percée dans ce domaine (voir édition du 13 novembre 2000), pour le moment Apple détient près de la moitié de ce marché en termes de base installée, se place en deuxième position dans les ventes de machines de bureau et en première place pour ce qui est des portables. « Sachant cela, nous sommes déconcertés qu’un arrangement imposé à Microsoft pour avoir été hors la loi lui permette, l’encourage même, à pénétrer injustement dans l’éducation – l’un des seuls marchés où il ne dispose pas d’un monopole », a souligné Steve Jobs auprès de la cour dans une lettre de 31 pages.

« La structure de l’accord courant limitera le choix des écoles locales et les enfermera dans le système d’exploitation de Microsoft et ses applications – au détriment des étudiants », indique la lettre. Le système éducatif américain s’avère particulièrement déséquilibré, ne laissant aux écoles fréquentées par des familles pauvres que peu de ressources pour faire l’acquisition de matériel pédagogique. La proposition de Microsoft se présente, en ce sens, comme une main tendue destinée à supprimer la fracture numérique. Mais elle est également mal venue, compte tenu de la position de faiblesse du système d’exploitation de la firme dans ce secteur. Le secteur éducatif est souvent considéré comme un domaine de libres penseurs. Les professeurs n’acceptent généralement pas des solutions monopolistiques et monolithiques, mais plutôt celles qui facilitent l’accès à la connaissance pour les élèves et dont le contenu pédagogique s’avère riche. Aux Etats-Unis, Apple est l’un des seuls constructeurs informatiques qui se soit intéressé au domaine, en soutenant les initiatives du corps enseignant et en leur fournissant jusqu’au milieu des années 90 des compétences et du matériel. Elle a également initié de nombreux programmes de recherche sur l’introduction de la technologie dans les écoles. L’actuelle vice-présidente Education de la firme, Cheryll Vedoe, est considérée comme un des principaux acteurs de ce domaine (voir édition du 22 janvier 2001) et tente de renouer avec ce passé glorieux fortement mis à mal par l’introduction de solutions pour PC.

Steve Jobs demande l’avis des élèves

La position d’Apple dans le domaine de l’éducation aux Etats-Unis est également stratégique pour l’entreprise : si la part de marché de la firme dans ce secteur se réduisait, l’impact d’Apple serait fortement atteint. Une percée de près de 14 % de l’environnement Windows dans ce secteur, ainsi que l’induirait l’actuelle proposition de justice, pourrait même être considérée comme les prémices de la mort de la firme à la Pomme. Le juge Frederick Motz a indiqué ne pas savoir quoi faire et a demandé à entendre toutes les parties. Steve Jobs lui a également conseillé dans sa lettre d’avoir recours aux explications des élèves, des professeurs et des consultants spécialisés dans le secteur. En substance, Steve Jobs demande au juge de laisser les élèves choisir.

Situation sinistrée en France ?

En France, la situation est inversée : c’est Windows qui est majoritaire dans le système éducatif. Sa domination est due aux choix politiques des années 80 et plus spécifiquement du plan « informatique pour tous » destiné à soutenir l’industrie informatique française. Si les constructeurs soutenus par le plan – Goupil, Bull ou Thomson – ont disparu du marché, ce sont les éditeurs qui ont principalement profité de son application, Microsoft en tête. Des centaines de machines « dormantes » datant du plan d’informatisation sont toutefois encore utilisées par des enseignants qui tentent de les faire durer. Toutefois, ce sont les contenus pédagogiques qui représentent aujourd’hui la principale bataille, et le ministère de l’Education ne possède pas véritablement de savoir-faire dans ce domaine, laissant aux éditeurs le soin de fournir les contenus répondant aux recommandations des programmes. La position d’Apple sur le secteur dépend donc fortement du bon vouloir des éditeurs de proposer des logiciels Mac et PC.