T. Husson (Jupiter Research) : »La musique sur mobile, un marché à bâtir »

Mobilité

Selon cet analyste du cabinet d’études, ce business pèsera 500 millions d’euros en Europe d’ici 2010. Petit focus à l’occasion du MidemNet.

Il y aura deux grandes stars à l’occasion du Midem qui se déroule à Cannes entre le 22 et le 26 janvier : les droits d’auteurs compte tenu des débats brûlants au parlement (voir dossier spécial) et la musique sur mobile. Des annonces dans ce dernier domaine sont attendues samedi à l’occasion du MidemNet, la journée consacrée à la musique et aux nouvelles technologies. Expert des services mobiles pour le compte du cabinet d’études américain Jupiter Research, Thomas Husson fait le point sur le potentiel d’exploitation de la musique sur les terminaux mobiles.

Vnunet.fr: Quel est l’état du marché de la musique sur mobile en Europe ?

Thomas Husson: Depuis deux ans, un certain nombre de services ont été lancés par les opérateurs pour une exploitation 2,5 G ou GPRS. Les réseaux 3G n’étaient pas encore disponibles. Un opérateur comme 3 Hutchison, présent Au Royaume-Uni et en Italie, avait été précurseur. En 2003, il avait lancé un service de musique sur mobile. Mais, faute d’avoir un catalogue étoffé de fichiers de musique fulltrack, il était plutôt parti des clips vidéo musicaux. Les premières offres de musique sur mobile sont vraiment arrivées avec la 3G en Europe. Vodafone a lancé son premier vrai service en novembre 2004. Il a démarré avec un petit catalogue de 3000 titres. Mais, depuis, l’opérateur s’est rattrapé puisqu’il affiche 600 000 titres dorénavant.

Comment se sont comportés les opérateurs français sur le sujet ?

L’exploitation fulltrack a été assez tardive. Orange a vraiment pris le sujet à bras le corps fin 2005 avec l’opération de promotion du dernier album de Madonna et la collaboration avec Warner Music. Avec le récent lancement de ses services i-Mode haut débit sur son réseau Edge, Bouygues Télécom s’y intéresse également. SFR considère de son côté que la musique sur mobile est un bon moyen pour vendre des offres 3G. Il met en avant cette fonctionnalité dans ses spots publicitaires. C’est plus attractif que de mettre en avant un portail Internet mobile.

Peut-on mesurer le business autour de la musique sur mobile ?

Nous estimons que le marché en Europe représentera 500 millions d’euros à l’horizon 2010. Nous sommes dans une phase de promotion et de construction du marché. Chez SFR, on offrait encore récemment deux fichiers à télécharger par mois. Chez Bouygues Télécom, la période découverte permet de s’inscrire à ce type de service gratuitement pendant deux mois. Parallèlement, il faut prendre en compte le nombre de terminaux compatibles pour la musique. En considérant qu’Orange et SFR affichent deux millions de clients disposant de téléphones 3G, un certain pourcentage des modèles permet de télécharger des fichiers. Sur cet échantillon de détenteurs de terminaux 3G (soit 10%), il faut extraire ceux qui paient réellement pour ce service de musique sur mobile. En termes de revenus, cela reste peu significatif. Les usages sont limités et les ergonomies des services ne sont pas toujours intuitifs. Toutefois, les dernières informations publiées sont encourageantes. Pour le seul mois de décembre 2005, SFR a recensé 340 000 fichiers téléchargés. Sur l’ensemble de l’année dernière, l’opérateur évoque 850 000 téléchargements.

C’est un business que l’on peut comparer à la sonnerie musicale ?

Ce n’est pas le même ordre de grandeur. Parce que les labels de musique sont un peu gourmants. En termes de marge, les niveaux seraient trop faibles dans la musique sur mobile et il n’y aurait pas de place pour des sociétés tiers comme 123 Multimédia, Jamba, Plurimédia ou Buongiorno. Mais des acteurs comme Fnac ou VirginMega vont certainement lancer des offres de musique sur mobile dans le courant de l’année. L’écosystème reste à stabiliser.

Les téléphones baladeurs vont-ils se généraliser ?

Ils ne sont pas compétitifs par rapport à des lecteurs musicaux dédiés avec des disques durs type iPod. Cependant, le fait que Sony Ericsson réveille la marque Walkman n’est pas anodin. Depuis août 2005, le fabricant de terminaux a vendu trois millions d’unités sous cette étiquette. Au premier trimestre 2006, Nokia va lancer le modèle N91 haut de gamme qui fait partie de leur nouvelle gamme Nserie. Il va intègrer un disque dur de 4 Go.

Après s’être imposé dans la musique en ligne, Apple serait-il tenté de devenir le premier distributeur de musique sur mobile ?

Il est clair qu’il regarde le marché. Apple s’est associé avec Motorola pour lancer le terminal Rokr avec le logiciel iTunes. Avec l’iPod, il explore déjà la convergence musique-vidéo. D’un point de vue modèle économique, Apple s’appuie d’abord sur la vente des iPod et se rémunère peu sur la vente numérique de musique. Il ne serait pas étonnant qu’il dispose de prototypes de ses propres téléphones mais le fait qu’il se lance dans un projet type opérateur mobile virtuel (MVNO) me laisse perplexe.

Pourquoi existe-t-il une grande différence de profondeur de catalogue entre les services Internet (1,2 million de titres) et les plates-formes mobiles (600 000 au maximum) ?

Le business est plus développé sur Internet avec la possibilité d’exploiter des niches de marché. Sur le mobile, les utilisateurs recherchent surtout le top des meilleurs ventes. C’est aussi une question de priorité des maisons de disques. EMI a décidé de numériser systématiquement ses nouveaux titres pour une écoute sur Internet et sur mobile. Mais les majors n’ont pas encore forcément pris le réflexe de procéder à une numérisation automatique adaptée aux deux supports. Les coûts technologiques et d’infrastructures ne sont pas négligeables.

Au sein de l’Open Mobile Alliance, le dossier de la gestion des droits numériques avance peu depuis un an?

Il existe toujours une logique de fragmentation en termes de DRM. Le standard OMA 2:0 n’est pas forcément adopté par tous les acteurs. Le sujet de la standardisation est assez complexe d’un point de vue technique mais de divergences de stratégies des groupes. Résultat : tous les membres de l’OMA se déclarent en faveur de l’interopérabilité mais les faits ne suivent pas.


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