Taxe sur les copies privées : les industriels saisissent le Conseil d’Etat

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A l’heure ou la commission Brun-Buisson reprend ses travaux sur l’extension de la taxe sur la copie privée à de nouveaux ayants droit, le syndicat des industriels de matériel audiovisuel saisit le Conseil d’Etat. Il remet en cause la taxe votée en juillet dernier sur les produits dits « intégrés » aux appareils de salon dont les décodeurs numériques. Si le Conseil d’Etat reçoit la plainte, la procédure pourrait durer plus d’un an.

Le Simavelec, (Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques) a presque attendu le dernier moment pour manifester son désaccord avec les choix de la commission Brun-Buisson qui, en juillet dernier, étendait la taxe sur la copie privée aux « produits intégrés » que sont les appareils d’enregistrement audiovisuel de nouvelle génération (voir édition du 5 juillet 2002). Les représentants des industriels avaient jusqu’au 25 janvier 2003. Ils se sont décidés à saisir le Conseil d’Etat le 15 janvier dernier. Le Syndicat conteste tout simplement la présence d’une taxe dite pour « copie privée », et destinée à être reversée aux ayants droit (auteurs, producteur, héritiers…), sur les magnétoscopes et décodeurs numériques particulièrement, taxés à environ 7 euros.

« Nous attaquons la décision sur deux points, prévient Bernard Héger, délégué général du Simavelec. Premièrement, les industriels font la distinction entre la copie dite de « patrimoine » par rapport à celle de « confort ». La première consiste à fixer une oeuvre sur support d’enregistrement (numérique ou non) à des fins de conservation. « Dans ce cas, l’utilisateur n’achète pas l’oeuvre enregistrée dans le commerce et, à ce titre, il est normal qu’il reverse une compensation aux ayants droit », estime Bernard Héger. La copie de « confort », en revanche, consiste à enregistrer une oeuvre afin de la visualiser en différé mais ne vise pas la conservation. En terme d’usage, cela revient à avoir vu l’oeuvre en direct au moment de sa diffusion. Cela ne constitue donc pas un préjudice envers les ayants droit puisque le diffuseur s’est déjà acquitté des droits de diffusion (qui sont au final payés par le téléspectateur via la redevance ou l’abonnement au diffuseur privé type TPS, CanalSatellite, câblo-opérateur, etc.).

Egalité de traitement pour les disques durs

Or, « la directive européenne stipule qu’il ne peut y avoir de reversement que dans le cadre d’un préjudice », explique le porte-parole des industriels (la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information estime notamment que « pour évaluer ces circonstances, un critère utile serait le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison de l’acte en question. Dans le cas où des titulaires de droits auraient déjà reçu un paiement sous une autre forme, par exemple en tant que partie d’une redevance de licence, un paiement spécifique ou séparé pourrait ne pas être dû. ») Dans le cadre de la copie de « confort » le préjudice est, selon le Simavelec, difficile à justifier. Il est vrai que des disques durs à capacité limitée à environ 10 heures de programme audiovisuel et qui écrasent les enregistrements les plus anciens au profit des nouveaux ne permettent pas d’être considérés comme des supports destinés à la copie « patrimoniale ».

Le deuxième point de désaccord porte sur les disques durs eux mêmes. « Qu’est-ce qui justifie que les disques durs des ordinateurs, avec lesquels on peut très bien enregistrer des oeuvres audiovisuelles, soient exclus de la taxe sur la copie privée et pas les disques durs des appareils intégrés », s’insurge Bernard Héger. Ce en quoi il a tout à fait raison puisque les premiers PC équipés de Windows XP Media Center Edition (voir édition du ), entre autres, destinés aux loisirs numériques débarqueront dans le courant de l’année en France (même s’il disposent de restrictions liées à la gestion des droits numérique, autre point appelant à débat). Bref, le Simavelec demande l’égalité de traitement pour les disques durs, qu’ils soient intégrés aux appareils de salon ou exploités dans un ordinateur.

Plus d’un an de procédures

Evidemment, le syndicat vise la suppression de la taxe. Pourtant, il risque d’obtenir le contraire de l’objectif premier. A savoir que la taxe soit étendue aux disques durs des ordinateurs. En effet, le Simavelec avait déjà saisi le Conseil d’Etat suite à l’instauration de la taxe sur les CD-R (voir édition du 22 décembre 2002). Les arguments des industriels portaient sur la composition de la commission Brun-Buisson et les méthodes d’évaluation des rémunérations. Mais au final, le Conseil d’Etat avait rejeté toutes les requêtes du syndicat tout en confortant le fonctionnement et les décisions de la commission…

Si le Conseil d’Etat valide la requête du Simavelec, les deux parties s’engageraient pour plus d’un an de procédures. En attendant, la commission Brun-Buisson poursuit ses travaux. A l’ordre du jour, une revalorisation (qui pourrait atteindre 25 %) de la taxe sur les supports d’enregistrements numériques vierges (CD-R…) et les négociations sur la redistribution de l’assiette depuis l’arrivée de nouveaux ayants droit relatifs à l’image fixe et à l’écrit. Deux points qui devraient être discutés avant fin mars, date d’un éventuelle renouvellement de la présidence de la commission.