Tempête autour d’Apple et du logiciel libre

Cloud

Un article intitulé « Le trou noir de l’Open source » a déclenché une vive polémique sur les relations entre Apple et la communauté du logiciel libre. Les développeurs sont montés au créneau pour défendre ou éclairer l’attitude de la firme à la Pomme. Dans le même temps, Microsoft déclarait la guerre au logiciel libre. Les relations se tendent entre les deux mondes.

Curieux ! Mercredi 2 mai, alors que le Web croulait sous les « hourra ! » poussés par les commentateurs à propos du nouvel iBook d’Apple, ZDNet.com mettait en ligne dans sa rubrique « opinion Linux », un papier signé d’Evan Leibovitch qui tirait à boulets rouges sur l’attitude d’Apple vis-à-vis de la communauté open source. En substance, Apple y était taxée de pillage et de ne rien donner en échange pour la communauté de développeurs libres. Rappelant que la firme de Cupertino ne développait que des logiciels et des matériels propriétaires, l’auteur dénonçait tour à tour :

– le mutisme des relations presse de la compagnie,

– le projet de sources libres Darwin, considéré comme un piège pour artisans du code,

– le véritable drain d’énergie ouvert par Apple dans la communauté des développeurs libres en agissant de la sorte…

Et de souligner l’hermétisme de l’entreprise de l’Infinite Loop en ce qui concerne sa technologie de polices de caractères TrueType ou les éléments logiciels autour de QuickTime. L’article se termine en forme de question : puisqu’Apple prévoit de s’appuyer, plus que toute autre compagnie d’importance, sur l’open source, ne doit-elle pas rendre en retour ? Alors, la Pomme, une voleuse d’idées ?

Que nenni a répondu, presque dans la foulée, Chris Coleman, un spécialiste de la communauté libre pour les publications O’Reilly, expert sur ces sujets. Point à point, Chris Coleman démonte l’argumentaire de Leibovitch : le projet Darwin, initié par Apple est disponible pour l’ensemble de la communauté, le code utilisé est réinjecté par la Pomme. Interrogé par nos confrères de MacCentral, Craig Barrett, le président de R/com Networks ne mâche pas ses mots à l’égard du journaliste de ZDNet, soulignant que ses commentaires ne résistent pas une étude de fond. « Le but principal de l’open source est de fournir aux développeurs l’opportunité d’étendre les capacités du code. Le fait qu’on ne paye pas grand chose si ce n’est rien pour Linux, ne signifie pas que l’open source est gratuit (qu’on n’ait pas à payer). Au contraire : la licence est très spécifique sur ce qui est gratuit et ce qui ne l’est pas ».

Chacun peut vérifier par lui-même la contribution d’Apple en naviguant dans les forums des sites de la communauté Darwin : le projet a été dirigé jusqu’à son départ il y a peu, par Wilfredo Sanchez qui poursuit ses contributions désormais de l’extérieur d’Apple, pour la firme KnowHow (que l’on pourrait traduire par rubrique ‘Comment faire’). Robert Watson, un autre expert développeur du FreeBSD sur lequel Darwin, le coeur de Mac OS X s’appuie, est lui aussi catégorique : « la réponse est simple : Apple est impliquée dans la communauté open source, et il se trouve qu’elle est fortement impliquée dans la publication de leur propre logiciel en tant que source libre, et contribue à des modifications des logiciels tiers qu’elle utilise ».

Logiciel libre ne veut pas dire gratuit

Alors, faux procès ? En tout cas, un commentaire malheureux de la part d’un avocat de la cause Linux et des sources libres. Il tombe d’autant plus mal qu’au même moment, Craig Mundie, vice-Président de Microsoft, s’attache à démontrer les dommages de l’open source pour sa firme (voir édition du 4 mai 2001). Celle-ci, si elle est prête à « partager » le code, ne veut pas le rendre « libre ». La vraie question sous jacente concerne les modalités du développement en sources libres et l’amalgame qui peut être fait, notamment à cause du double sens du mot anglais free, qui signifie en même temps « libre » et « gratuit ». Or qui dit logiciel libre ne dit pas forcément gratuit, ainsi que l’explique clairement la licence GPL (pour Gnu Public Licence). Entre libre et gratuit Apple a fait le choix du libre, qui permet aux développeurs participant à son programme d’être payés pour les efforts consacrés. Microsoft est encore loin d’avoir atteint cette phase. Bien que sa verve soit appréciable, Evan Leibovitch s’est donc sans doute trompé de cible…

Pour en savoir plus :

* L’article de ZDNet.com qui a mis le feu aux poudres (en anglais)

* La réponse de Chris Coleman sur OReillynet (en anglais)

* Une biographie de Wilfredo Sanchez sur le site du MIT (en anglais)

* Le projet Open Source d’Apple (en anglais)

* La traduction française (non officielle) de la licence GPL