Tribune Nathalie Schulz (DQE Software) : La carte de fidélité : faux ami de la relation client ?

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Nathalie Schulz, directrice générale DQE Software, met en lumière la mauvaise utilisation faite par les commerçants des cartes de fidélité, induisant ainsi une fuite programmée des données et de la connaissance client.

« Vous avez notre carte de fidélité ? Vous la voulez ? Je vous laisse compléter le formulaire et nous le renvoyer ! » Combien sommes-nous à avoir vécu cette scène lors d’un passage en caisse ? Et au final, combien sommes-nous à avoir réellement activé la carte ? Nos portefeuilles débordent de cartes de fidélité, dont une bonne partie que nous n’utilisons jamais.

Car pour émerger dans un univers de plus en plus concurrentiel et fidéliser des consommateurs de plus en plus sollicités, les marques ont créé ces dernières années des programmes de fidélisation de plus en plus sophistiqués, faits de points, bons d’achat, conseils personnalisés et autres offres privilèges.

Mais, en dépit de tout le talent marketing déployé sur ces projets, les marques auraient-elles négligé l’essentiel ? En effet, comment expliquer que, pour entrer dans ce programme, le vendeur en magasin nous donne une carte de fidélité, qui revient à nous associer à un numéro totalement impersonnel, avec le devoir de rentrer chez nous et de l’activer si nous désirons vraiment rejoindre cette communauté de marque ?

Comment se fait-il que les marques n’aient pas compris qu’il faille capitaliser sur la relation en point de vente et l’acte d’achat en cours, preuves de notre attachement, pour nous engager dans un programme de fidélité ? Et pourquoi le processus de personnalisation de la relation client commence-t-il par une étape de déshumanisation, au cours de laquelle le contact en magasin se transforme en questionnaire à remplir ?

En induisant une fuite programmée des données et de la connaissance client, la carte de fidélité serait-elle finalement un faux-ami de la relation client ?

Alors que les spécialistes du marketing s’attèlent à créer un parcours client « multicanal et sans couture », du premier point de contact en tant que prospect, au statut de client fidèle et engagé, il semble donc que les marques aient encore du chemin à faire pour créer un circuit de fidélisation fluide.

En effet, peu de marques ont réellement travaillé cette relation, et la relation de proximité inhérente au magasin, au lieu de se concrétiser en une opportunité commerciale pérenne, ressemble encore trop souvent à un rendez-vous manqué !

Le problème, aussi contradictoire soit-il, est que la mission première du point de vente est de vendre, et qu’en toute logique, les vendeurs sont plus attachés à leur chiffre d’affaire immédiat qu’à la pérennisation de la relation entre le client et la marque. De sorte que la source principale de collecte de la donnée client, matière première de tout programme relationnel, est encore largement sous-exploitée.

Pour faciliter le parcours du client dans l’univers de la marque, les enseignes vont donc à l’avenir devoir s’attacher à faire du point de contact en magasin un lieu de transformation de la relation de fidélisation, avec, pour commencer, la capacité d’activer la carte sur place.

Des solutions technologiques existent pour soutenir l’effort des marques. Les applications de saisie assistée, installées sur la tablette du conseiller de vente, permettent, à partir du nom et du code postal, de disposer d’un questionnaire pré-rempli que le vendeur n’a plus qu’à mettre à jour si besoin. Les technologies mobiles ouvrent également la voie à une inscription « sans contact », à l’instar du paiement mobile sans contact, le terminal faisant alors office de carte d’identité.

L’enjeu n’est rien de moins que la construction d’une connaissance client fiable, pour démarrer une relation client personnalisée dès l’activation, et ainsi capitaliser sur le contact en point de vente pour emmener le consommateur vers une nouvelle expérience avec la marque.

A l’heure de la donnée reine et du Big Data omniprésent, la carte de fidélité de demain reste donc à inventer, avec à la clé des bénéfices spectaculaires pour les marques : inviter davantage de clients à entrer dans leur programme de fidélité, impliquer les conseillers en point de vente dans leur programme relationnel, réduire le taux de cartes non activées, enrichir sa connaissance client de données qualifiées collectées en temps réel, ou encore accroitre l’impact et la performance des campagnes de marketing relationnel. Tout un programme !