Uber et Waymo se retrouvent à la barre pour parler conduite autonome

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Le procès entre Uber et Waymo sur les technologies de conduite autonome s’est ouvert en Californie. Comment s’articulent les argumentaires des deux sociétés ?

Depuis sa nomination en 1999 à la cour fédérale de district de San Francisco, jamais le juge William Alsup* n’avait vu défiler autant d’avocats à la barre.

Ils auront, en l’occurrence, été dix-huit à témoigner ce lundi 5 février 2018, pour la première journée du procès qui oppose Uber à Waymo.

Le premier est accusé par le second de s’être approprié des secrets industriels dans le domaine de la conduite autonome, plus particulièrement sur des technologies de télédétection par laser (lidar).

La pierre angulaire de ce dossier se nomme Anthony Levandowski. Début 2016, à l’heure de quitter Google pour fonder la société Ottomotto qu’Uber allait acquérir quelques mois plus tard, l’ingénieur aurait récupéré quelque 14 000 fichiers contenant les secrets industriels en question.

L’ogre Kalanick

Waymo – société spécialisée dans la conduite autonome et qui évolue dans le giron d’Alphabet, maison mère de Google – ne se concentre pas tant sur Anthony Levandowski que sur Travis Kalanick.

Celui qui était CEO d’Uber à l’époque des faits est dépeint comme un individu « prêt à tout pour gagner », quitte à « ne pas respecter la loi ».

Waymo en veut pour preuve plusieurs e-mails dans lesquels le dirigeant se dit prêt à « prendre tous les raccourcis possibles » pour combler le « fossé » séparant Uber de Google dans la conduite autonome, en se concentrant notamment sur le lidar, avec l’objectif de faire rouler 100 000 véhicules à l’horizon 2020.

Parmi les pièces produites par Waymo pour ce procès figure une note du 2 avril 2016. Il s’agit du bilan d’un entretien réalisé par la firme Stroz Friedberg avec Anthony Levandowski dans le cadre des discussions entre Ottomotto et Uber.

Il y est fait état d’une prise de contact, en octobre 2015, avec Travis Kalanick, qui avait manifesté son « intérêt » pour les projets d’Anthony Levandowski (Otto n’existait alors pas encore). À partir de là, l’ingénieur aurait véritablement commencé à envisager de quitter Google.

Gagner la course

Autre élément à charge apporté par Waymo : une notification Google Agenda pour un rendez-vous, le 11 décembre 2015, entre Anthony Levandowski, son collègue Lior Ron et Brian McClendon, alors responsable de l’activité cartographie chez Uber.

Des journaux de connexion datés du même jour montrent que Levandowski s’est connecté au SVN (gestionnaire de versions) de Waymo… pour télécharger 14 000 fichiers.

Plusieurs notes compilées dans les semaines qui ont suivi illustrent l’intérêt d’Uber non seulement pour les technologies sur lesquelles travaillait Anthony Levandowski (« capable de [leur] faire gagner des mois » dans la course au véhicule autonome), mais aussi pour son équipe.

Dans une présentation du 11 avril 2016 relative à l’éventuelle acquisition d’Ottomotto pour environ 600 millions de dollars essentiellement en actions, il est question de débaucher « au moins 25 personnes », voire « jusqu’à 50 ou 100 ».

Waymo présente, pour démontrer l’appétit d’Uber, d’autres communications entre les membres du top management, entre un e-mail intitulé « Laser dream (time critical) » et les propos de Jeff Holden, qui évoque à Travis Kalanick une « question de vie ou de mort » pour l’entreprise.

Les craintes de Google

Pour sa défense, Uber ne nie pas l’éventuel vol de secrets industriels par Anthony Levandowski, mais affirme, d’une part, ne jamais en avoir vu la couleur et de l’autre, que les données objet du litige relèvent du domaine public.

La faute est rejetée sur l’ingénieur, qu’Uber dit regretter d’avoir embauché, non sans mettre en avant les doutes que Google émettait lui-même en 2011 quant à l’intégrité du personnage, à l’heure de le recruter.

Concernant les technologies incriminées, Uber insiste sur la « faible valeur » que Google leur attribuait, au point de songer à les héberger hors de ses infrastructures.

La firme désormais dirigée par Dara Khosrowshahi tente aussi de démontrer ce qui aurait motivé le procès à son encontre : les craintes de Waymo de voir « partir ses talents ».

Parmi les preuves avancées dans ce sens, un e-mail du 1er février 2015 dans lequel Chris Urmson, alors à la tête du projet de conduite autonome chez Google, interpelle les fondateurs Larry Page et Sergey Brin en les conseillant de débaucher chez Uber, car « depuis quelques mois, nous ne jouons plus pour gagner dans le domaine du véhicule autonome ».

D’autres e-mails sont produits pour illustrer l’inquiétude grandissante chez Waymo, d’après après plusieurs départs verts Otto, puis au moment où on commençait à entendre parler d’un rapprochement avec Uber. Une question se serait alors posée en interne : pourrait-on empêcher l’opération ?

Le procès devrait durer au moins trois semaines, selon la presse sur place.

* William Alsup a déjà présidé des procès entre sociétés technologiques de la Silicon Valley. Notamment l’affaire Google – Oracle, où il avait donné raison au premier dans une bataille de brevets autour de la technologie Java.

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