UberPOP : ce qui a coincé devant le Conseil constitutionnel

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En réaffirmant la constitutionnalité de l’article L. 3124-13 du code des transports, les Sages ont entériné l’illégalité d’UberPOP en France. Sur quoi se fonde leur décision ?

Le premier alinéa de l’article L. 3124-13 du code des transports est conforme aux droits et libertés que garantit la Constitution.

Ainsi en a décidé le Conseil constitutionnel lors de sa séance du 22 septembre 2015, où siégeaient Jean-Louis Debré (président), Claire Bazy Malaurie, Nicole Belloubet, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Lionel Jospin et Nicole Maestracci.

Les Sages avaient été saisis le 23 juin 2015, par la Cour de cassation, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Enregistrée sous le no 2015-484, elle avait été posée pour les sociétés Uber France SAS et Uber BV par la SELARL Lexavoué Paris Versailles, avocat au bureau de Paris et par Me Hugues Calvet, également avocat au barreau de Paris.

L’alinéa pointé du doigt est le suivant : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l’article L. 3120-1 [du code des transports] sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier [du livre Ier du code des transports], ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre. »

Les activités mentionnées à l’article L. 3120-1 sont les prestations de transport routier de personnes effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, à l’exclusion des transports publics collectifs […] et du transport privé routier de personnes […].

Pour Uber, ces dispositions méconnaissent, entre autres, la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité devant les charges publiques. Elles auraient plus globalement pour effet d’interdire toute forme innovante de transport entre particuliers à titre occasionnel.

UberPOP : covoiturage ou pas ?

Dans son délibéré, le Conseil constitutionnel a tenu à marquer le distinguo avec le covoiturage*, défini comme « l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte ».

Les Sages considèrent précisément qu’en instituant l’incrimination prévue par les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer la réglementation de l’activité de transport public particulier de personnes à titre onéreux ; et qu’il n’ pas incriminé l’organisation des systèmes de mise en relation des personnes souhaitant pratiquer le covoiturage.

Sur la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel estime que les dispositions en question répriment des agissements facilitant l’exercice d’une activité interdite. Par suite, « le grief […], qui n’est pas dirigé à l’encontre des dispositions réglementant l’activité de transport particulier de personnes à titre onéreux », est inopérant.

Assimilant son service UberPOP à du covoiturage, Uber prétendait qu’en imposant aux organisateurs des systèmes de mise en relation de personnes […] des dispositifs coûteux et complexes de la fraude […], les dispositions faisaient « peser une charge excessive sur ces organisateurs en méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques ».

Un grief également inopérant pour les Sages, qui s’en réfèrent aux sanctions instituées par les dispositions et ayant le caractère d’une punition au sens de l’article 8 de la Déclaration de 1789.

Bilan : les sociétés Voxtur, Greentomatocars et Transdev, qui s’étaient constituées parties en défense aux côtés de l’Union nationale des taxis, sont confortées dans leur postulat selon lequel UberPOP contrevient à la loi Thévenoud, laquelle affirme illégal le principe de la mise en relation de clients avec des chauffeurs amateurs pour des prestations de taxis.

* Le tribunal correctionnel de Paris avait condamné Uber à 100 000 euros d’amende en octobre 2014 pour avoir présenté UberPOP comme une offre de covoiturage, alors qu’il s’agit – toujours selon le parquet – d’une « offre payante de transport entre particuliers ».

Crédit photo : niroworld – Shutterstock.com

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