Un rapport parlementaire dénonce Echelon

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Au terme de 6 mois d’enquête, le député Arthur Paecht a rendu public un rapport sur « les systèmes de surveillance et d’interception électroniques pouvant mettre en cause la sécurité nationale ». Le réseau d’écoute planétaire Echelon mis en place par les Américains y est qualifié de « danger pour les libertés publiques et individuelles ».

« Oui, il existe bien un vaste système d’interception et de traitement des informations nommé Echelon. Il est organisé en réseau. Il s’agit d’ailleurs du seul système multinational connu. » La conclusion du rapport parlementaire sur le système Echelon, rendu public hier par le député Arthur Paecht, est sans appel. Cela fait maintenant plusieurs années que l’on parle de ce vaste système d’écoute, qui permettrait d’intercepter toutes les communication du globe (voir édition du 3 novembre 1999). Sept mois d’une enquête confiée par la Commission de la défense nationale auront été nécessaires pour finalement conclure qu’« Echelon peut constituer un danger pour les libertés individuelles ».

Lors de ses investigations, Arthur Paecht a rencontré les responsables des services de renseignement français, mais aussi des chercheurs de la Délégation générale à l’armement et des industriels. Le rapport précise par contre que « (le) rapporteur s’est heurté à une fin de non-recevoir de la part des autorités américaines et britanniques », le refus des Britanniques étant fondé sur le fait que le rapporteur n’était « même pas membre d’une délégation parlementaire chargée du contrôle des services de renseignement ». Tandis que concernant la décision des Etats-Unis, le document note que « les réticences de l’administration (…) sont difficilement compréhensibles ». Ainsi, le rapport note plus loin que « le refus de recevoir notre rapporteur, décidé semble-t-il au plus haut niveau après de nombreuses délibérations, a pour conséquence de relancer toutes les suspicions sur le rôle d’Echelon et des Etats-Unis en particulier ».

Les Américains sont bien en première ligne. Afin de mesurer l’importance des différents acteurs de ce système, Arthur Paecht compare dans un tableau les effectifs et les moyens des services de renseignement spécifiques des pays impliqués. Les Etats-Unis arrivent nettement en tête avec, pour la NSA (National security agency), un effectif de 40 000 personnes et un budget en 1997 de 4 milliards de dollars ! Par comparaison, le service du Royaume-Uni emploie 15 000 agents et son budget s’élève à 500 millions de livres. Plus loin le rapport souligne que « l’architecture du réseau Echelon a été entièrement conçue par la NSA (…) Seule la NSA dispose de l’ensemble des codes ou combinaisons et a l’accès à l’ensemble du réseau ».

Echelon fonctionne en trois phases : écoute, traitement des informations recueillies et échange des données. Dans les conclusions, on lit que « les performances ont atteint leurs limites », ceci en partie du fait de l’explosion des communications dans le monde. Pourtant, plus bas, il est indiqué que « plusieurs indices semblent inciter à croire qu’un nouveau système s’est constitué pour dépasser les limites d’Echelon ». Inquiétant.

Le document indique qu’aucune entreprise française ne s’est plainte d’écoutes, mais des aveux d’anciens responsables de services américains « tendent à prouver que (…) des interceptions ont bien bénéficié indirectement à des sociétés américaines ». L’espionnage industriel est bien au coeur de la polémique qui entoure le système d’écoute. Ainsi peut-on lire qu’« il n’est pas impossible que des informations recueillies soient utilisées à des fins politiques et économiques ».

Finalement, Arthur Paecht formule des propositions pour diminuer les risques. Il insiste sur la nécessité d’information, et appelle à la formation de responsables de la sécurité et la production de logiciels sûrs (un passage du rapport met en garde contre les failles technologiques, en soulignant que 80 % des logiciels proviennent des Etats-Unis). Un grand volet du rapport est consacré à la cryptographie, qui remet notamment en cause la sécurité de PGP, ce qui amène à la proposition de libéralisation des programmes de cryptographie. Enfin, le député suggère la mise en place de négociations internationales au niveau du G 8 ou de l’OCDE, par exemple. Alors qu’une commission parlementaire européenne va débuter ses travaux sur Echelon, nous n’avons pas fini d’entendre parler des « grandes oreilles » américaines.