Vente liée ordinateur – logiciel : la CJUE n’y voit pas de pratique déloyale

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Sollicitée par la Cour de cassation française, la Cour de justice de l’UE ne trouve rien à redire au principe de vente liée d’un PC et de logiciels préinstallés.

La vente liée d’un ordinateur et de logiciels préinstallés ne constitue pas une pratique commerciale déloyale, y compris lorsque le prix de chacun desdits logiciels n’est pas indiqué.

C’est, en substance, ce que la Cour de justice de l’Union européenne dit pour droit dans un arrêt du 7 septembre 2016.

L’institution basée à Luxembourg avait été sollicitée, en date du 17 juin 2015, par la Cour de cassation française, qui lui avait posé trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la directive européenne 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux « pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ».

C’est au contrat

Pour mieux saisir les tenants et aboutissants du dossier, il faut remonter à ses origines.

Le 27 décembre 2008, le dénommé Vincent Deroo-Blanquart avait acquis, en France, un ordinateur portable Sony VAIO VGN-NR38E équipé de Windows Vista Home Premium et d’autres logiciels.

Ayant refusé d’accepter le contrat de licence (CLUF), il avait sollicité Sony le 30 décembre 2008 pour se faire rembourser le montant correspondant au coût des logiciels préinstallés.

Le fabricant avait décliné par courrier du 8 janvier 2009, expliquant que l’offre était « unique et non dissociable ». Trois mois plus tard, après discussions, il proposait d’annuler la vente et de rembourser l’intégralité du prix d’achat TTC (549 euros), moyennant un retour du matériel.

Vincent Deroo-Blanquart avait refusé… et finalement assigné Sony France SA devant le tribunal d’instance d’Asnières-sur-Seine, par un acte du 17 février 2011.

Débouté par un jugement du 13 septembre 2012, il s’était pourvu devant la cour d’appel de Versailles, qui avait confirmé le verdict par un arrêt du 5 novembre 2013.

La vente liée en question(s)

Saisie de l’affaire, la Cour de cassation s’était tournée vers la CJUE, en lui demandant notamment si la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés constitue, au regard des articles 5 et 7 de la directive 2005/29, une pratique commerciale trompeuse, lorsque le fabricant dudit ordinateur a fourni, par l’intermédiaire de son revendeur, des informations sur chacun des logiciels préinstallés, sans toutefois préciser le coût de chacun de ces éléments.

La plus haute juridiction française cherchait aussi à savoir ce qu’il en est lorsque le fabricant ne laisse pas d’autre choix au consommateur que celui d’accepter les logiciels ou d’obtenir la révocation de la vente ; et lorsque le consommateur se trouve dans l’impossibilité de se procurer, auprès du même fabricant fabricant, un ordinateur non équipé de logiciels.

Que pose la directive 2005/29 ? Elle distingue deux types de pratiques commerciales : celles qualifiées de « trompeuses » et celles dites « agressives ».

Les premières sont celles qui induisent le consommateur en erreur et l’empêchent de faire un choix en connaissance de cause. Elle peuvent être des « actions trompeuses » ou des « omissions trompeuses », le consommateur manquant, dans ce dernier cas, d’informations clés pour prendre sa décision.

Action ou omission ?

Intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales », l’article 5 de la directive établit qu’une pratique commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle (niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur) et si elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement du consommateur par rapport au produit.

Les « actions trompeuses » sont l’objet de l’article 6, qui les présente comme contenant des informations fausses ou qui, d’une manière quelconque, y compris par leur présentation générale, induisent ou sont susceptibles d’induire le consommateur en erreur, même si les informations présentées sont factuellement correctes.

L’article 7 présente les « omissions trompeuses » comme le manque d’une information substantielle dont le consommateur a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause.

Selon ce même article, un professionnel se rend responsable d’une « omission trompeuse » quand il dissimule une information substantielle ou la fournit « de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».

Par « informations substantielles », il faut entendre les caractéristiques principales du produit ou du service, ainsi que son prix TTC ou la manière dont il est calculé s’il ne peut pas raisonnablement être déterminé à l’avance. Il faut y ajouter les coûts supplémentaires, de livraison et postaux ou tout du moins, s’ils ne peuvent être calculés, la mention qu’ils peuvent être à la charge du consommateur.

Diligence professionnelle

Qu’en est-il du droit français ? Le code de la consommation établit plus ou moins les mêmes définitions des pratiques commerciales déloyales que le droit européen.

Il établit que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service », en précisant les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente.

Au L. 122-1 de ce même code de la consommation, il est dit qu’on ne peut subordonner la vente d’un produit ou la prestation d’un service à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service. Le L. 122-3 interdit quant à lui la fourniture de biens ou de services sans commande préalable du consommateur lorsqu’elle fait l’objet d’une demande de paiement.

Du côté de la CJUE, on estime que la vente, par Sony, d’ordinateurs portables équipés de logiciels préinstallés « répond aux attentes d’une part importante des consommateurs », qui préfèrent l’acquisition d’un ordinateur ainsi équipé et d’utilisation immédiate.

On souligne par ailleurs que le plaignant a été dûment informé, par le revendeur, de l’existence de logiciels préinstallés et de leurs caractéristiques. Il lui a par ailleurs été offert la possibilité de ne pas souscrire au CLUF et d’obtenir la révocation de la vente. Avertissement lui a par ailleurs été fait qu’il ne trouverait pas le même modèle d’ordinateur sans logiciels préinstallés.

Autant d’éléments qui font dire à la CJUE que la notion de diligence professionnelle a été respectée et que l’aptitude de Vincent Deroo-Blanquart à prendre une décision commerciale n’a pas été compromise.

Sur la première question préjudicielle, la CJUE considère que si le prix global du produit concerné est une information substantielle, le prix de chacun de ses éléments ne l’est pas. Et qu’il n’y a pas d’exception pour la vente liée PC – software : l’ordinateur objet du litige n’étant offert à la vente qu’avec des logiciels préinstallés, l’absence d’indication du prix de chacun d’entre eux n’est pas de nature à amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Il appartient désormais à la Cour de cassation de statuer sur les dépens.

Crédit photo : charnsitr – Shutterstock.com

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