Vogue et vagues de la rumeur

Mobilité

Ils se relaient quasi quotidiennement pour faire vivre radio moquette et rapporter les bruits de couloirs d’Apple. Les sites de rumeurs consacrées au Mac ne manquent pas : d’une petite poignée début 2000, ils sont désormais près d’une dizaine. Un défi pour Apple qui mise justement sur le secret lors du développement de ses futurs produits.

Le marché de la rumeur sur Mac n’avait pas été aussi florissant depuis longtemps, et les sujets à traiter sont légion ! Normal : la politique d’Apple reste aujourd’hui encore de miser sur le secret absolu avant de jouer sur l’effet d’annonce grâce notamment aux présentations très orchestrées de Steve Jobs. Une stratégie qui a aussi ses contraintes : d’une part, Apple loupe régulièrement des ventes, souvent en raison d’une logistique bien moins huilée et qui peine à répondre aux promesses de Jobs. D’autre part, le moindre de ses faits et gestes s’avère commenté par des observateurs, dont certains n’hésitent pas à creuser profondément pour trouver un scoop. Ce culte de la discrétion s’avère aussi un véritable fléau pour les partenaires d’Apple qui ne savent pas dans quelle direction se dirige la firme. Le PDG de Sony rappelait récemment à nos confrères d’Alwayson : « Vous connaissez Steve, il a son propre calendrier. Bien qu’il soit un génie, il ne vous dit pas tout. C’est quelqu’un avec qui il est difficile de travailler lorsque vous êtes vous-même une grosse société.

A tel point qu’Avadis Tevanian lui-même (le patron du logiciel chez Apple) ajoute ironiquement : « Les gens observent Apple de la même façon que l’on scrutait le Kremlin (au temps de la guerre froide, Ndlr). On fait dire beaucoup de choses à de simples détails, comme qui est assis auprès de telle ou telle personne. » Néanmoins, la Pomme utilise aussi cette méthode de communication, que les spécialistes appellent le « buzz-marketing ». Ainsi, au lancement de l’iMac G4, où elle a essayé maladroitement d’amplifier une caisse de résonance qui s’avérait déjà fort pleine (voir édition du 8 janvier 2002). La rumeur s’est avérée une arme à double tranchant, donnant alors l’impression que la montagne avait accouché d’une souris !

La presse aussi

Reste qu’aujourd’hui, plus Apple s’ouvre à de nouveaux utilisateurs, en diversifiant ses gammes de produits et ses fournisseurs, ou encore en sous-traitant sa production, plus le contrôle des informations s’avère complexe, voire impossible. De sorte que la firme s’est retrouvée à devoir fréquemment ordonner à des sites Internet de retirer des photos de futurs matériels. Ce fut par exemple le cas pour le site français MacBidouille à qui quelques images du Power Mac commercialisé à l’été 2002 sont parvenues avant que la machine n’ait été présentée. Cette méthode d’approche reste souvent retenue par des insiders (souvent des sous-traitants à l’entreprise, même si les personnels Apple se livrent parfois à ce genre de sport à haut risque comme en témoignent certains procès). Le site AppleInsider (voir édition du 5 janvier 2001) a ainsi pendant longtemps été considéré comme une référence : c’est lui qui a dévoilé le G4 Cube juste avant sa présentation (voir édition du 19 juillet 2000), alors même que ce produit spectaculaire et inédit chez Apple devait être tenu au secret jusqu’à la toute dernière minute.

Aujourd’hui, le site qui obtient les meilleurs résultats s’avère Think Secret, tenu par Nick De Plume. Mais cela n’empêche pas un nombre important d’autres sites d’avoir vu le jour. Ainsi de SpyMac, né en 2001 à l’occasion d’une rumeur sur un PDA siglé de la Pomme et dont des vidéos ont circulé sur Internet provoquant un émoi particulièrement important. Dans la foulée, on notera MacWhispers et MacOS Rumors, dont les prédictions autrefois pertinentes sont sujettes à caution. MacOSXrumors se concentre quant à lui sur les logiciels. Tandis que Macrumors fait la synthèse de toutes les rumeurs parues sur la Toile, qu’elles soient issues de sites de rumeurs ou de journaux. Car la presse aussi s’est mise à soulever de temps à autre un lièvre échappé des laboratoires de Cupertino. On trouve C/Net, eWeek et même le LA Times parmi les titres plus sérieux qui lisent parfois dans le marc de café. Une surenchère qui a plus d’une fois déçu la clientèle d’Apple. Mais les conséquences pour les partenaires d’Apple ne sont pas neutres non plus : ceux-ci apprennent souvent en même temps que le public une nouvelle direction prise par la firme. Dès lors, la politique de communication du constructeur de Mac ne devrait-elle pas être modifiée pour permettre à ses partenaires d’être affranchis plus tôt tout en préservant la surprise de la présentation des nouvelles machines ?