Un chauffeur VTC obtient le statut salarié aux prud’hommes : Uber-alerte ?

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Décision sans précédent du conseil des prud’hommes, qui considère que l’activité d’un chauffeur VTC ayant travaillé pour LeCab relevait du salariat.

Gouvernée par une clause d’exclusivité interdisant l’affiliation à d’autres plates-formes, la relation contractuelle entre LeCab et ses chauffeurs relève du salariat.

C’est, en substance, la décision prise par le conseil des prud’hommes de Paris.

Nos confrères des inRocks avaient assisté, le 3 novembre 2016, à l’audience organisée par la juridiction de première instance.

Ancien taxi devenu VTC, le plaignant souhaite garder l’anonymat. Il ne travaille aujourd’hui plus pour LeCab. Les faits incriminés par ses soins remontent à la période 2013-2014.

Le contrat dénoncé portait, à sa signature, l’intitulé « adhésion exclusive au système ». Une mention supprimée a posteriori pour permettre l’affiliation à d’autres plates-formes, comme l’avait fait remarquer l’avocat de la défense.

La route est longue

Le jugement devait être rendu le 11 décembre dernier. La Tribune a pu en consulter la transcription… et constater que les prud’hommes ont retenu le grief sus-évoqué, concluant, au nom d’une entrave à la liberté d’entreprendre, à l’existence d’un « lien de subordination » entre LeCab et son chauffeur.

Alerte rouge pour Uber et consorts ? Pas forcément. En premier lieu, il y a possibilité de contestation en appel et la décision ne peut faire jurisprudence. Mais surtout, les prud’hommes n’ont pas validé les deux autres motifs exposés : une forte incitation à conduire à certaines heures et la liberté prise par LeCab de déconnecter un chauffeur qui n’accepterait pas une course dans un certain délai.

A fortiori, si la loi « Grandguillaume », promulguée le 29 décembre 2016 pour renforcer la régulation du secteur du transport public particulier de personnes dans la continuité de la loi Thévenoud, consacre dans son article 3 le droit pour les chauffeurs de « recourir simultanément à plusieurs intermédiaires ou acteurs de mise en relation avec des clients […] », elle n’aborde ni les incitations horaires, ni les déconnexions arbitraires*.

Des précédents à l’étranger

L’Employments Tribunal est allé, il y a quelques semaines, plus loin dans sa caractérisation du lien de subordination.

Dans le cadre d’une procédure portée par deux chauffeurs contre Uber, l’équivalent britannique de notre conseil des prud’hommes a noté qu’il existait un processus de recrutement avec une forme d’entretien d’embauche, mais aussi un système d’évaluation pouvant déboucher sur des pénalités, ainsi qu’une possibilité, pour la plate-forme américaine, de modifier unilatéralement ses conditions d’utilisation.

Dès juin 2015, une décision similaire avait été prononcée aux États-Unis, la Commission du travail de Californie faisant notamment remarquer qu’Uber contrôlait l’ensemble des outils et moyens mis à disposition des chauffeurs, tout en leur reversant une commission non négociable.

En France, on surveillera l’évolution d’une autre procédure prud’homale, lancée en octobre par un chauffeur Uber qui dénonce, entre autre, l’obligation de se connecter régulièrement, d’accepter 90 % des courses et d’obtenir un taux de satisfaction important, selon l’AFP.

* Les « déconnexions arbitraires » sont l’un des points de revendication des chauffeurs dans le combat qu’ils mènent actuellement face aux plates-formes. « Si tu as un problème avec un client, ils [Uber] te bloquent ton compte, t’es mort, t’es au chômage, tu ne peux même pas te justifier », faisait remarquer l’un d’entre eux à l’occasion d’un rassemblement à Paris, porte Maillot.

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