Amélie Boucher (Ergolab) : « Une bonne ergonomie se conçoit avec les utilisateurs »

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L’ergonomie contribue à renforcer le succès d’un service ou d’une application mobile (expérience utilisateur, navigation, audience Internet…). Interview d’une spécialiste en ergonomie et architecture de l’information.

« Je ne m’y retrouve pas », « ce site est moche » ou encore « Je vais ailleurs car la navigation est mal conçue »

Proposer la bonne information au bon endroit et au bon moment, répondre aux attentes de ses visiteurs, leur donner envie de rester sur le site et d’y revenir au nom de l’expérience utilisateur et de l’augmentation du trafic Internet sur son site…

Quel pari difficile pour tout concepteur Web, qu’il crée un site e-commerce, éditorial ou même une application iPhone. Et pourtant, c’est une mission essentielle.

Cela a conduit au développement d’une expertise métier : spécialiste de l’ergonomie d’application interactive.

Comment améliorer l’expérience de l’utilisateur et par extension, l’audience d’un site Internet ou le nombre d’utilisateurs d’une application ?

Amélie Boucher est ainsi l’une des consultantes françaises en ergonomie et architecture de l’information parmi les plus renommées.

Ses missions sont consacrées à l’expérience utilisateur web et mobile, aussi bien dans des contextes de conception que d’évaluation, et pour des projets variés (e-commerce, éditorial, portails, applications métier….).

Animatrice du site Ergolab.net qu’elle a lancé en 2003, Amélie Boucher a aussi écrit plusieurs livres sur son sujet de prédilection : Ergonomie Web – Pour des sites web efficaces (2007, deuxième édition en 2009) et Ergonomie web illustrée (2010) parus aux Editions Eyrolles. (Interview réalisée le 22/11/2010)

ITespresso.fr : Comment évaluer la perception de l’ergonomie d’un site Web ?
Amélie Boucher : Auditer l’ergonomie d’une interface n’est pas une démarche « clinique », qui pourrait être appliquée de la même manière quel que soit le site. Cela explique notamment la difficulté d’automatiser de telles activités. Certes, on peut se baser sur des règles, principes, lois qui doivent être prises en compte sur tous les sites ou applications. Mais, pour vraiment détecter les points positifs et négatifs, il faut s’interroger sur le contexte : qui sont les utilisateurs ? Quelles sont leurs tâches ? Quelle fréquence à laquelle ils utilisent l’outil ? Ce n’est qu’en répondant à ces questions que l’on peut réussir à évaluer la qualité ergonomique. Il faut ensuite réussir à se mettre à leur place, analyser l’interface en termes de parcours et non de pages ou d’objets isolés, effectuer autant de parcours sur le site que d’objectifs utilisateurs. Enfin, il y a une partie de choses que l’on ne peut détecter qu’en faisant appels aux utilisateurs finaux. Il faut alors mettre en place des sessions de tests utilisateurs pour observer et mesurer objectivement le déroulement d’un parcours sur le site.

ITespresso.fr : Vous évoquez l’implication des utilisateurs dans la création d’une ergonomie. Quel est l’impact de ces tests dans le processus ?
Amélie Boucher : Ces tests utilisateurs sont justement la seule manière de s’approcher de la réalité des usages : en tant que concepteur, notre vision est biaisée. Il s’agit donc d’observer si les maquettes que l’on a conçues sont perçues comme on l’imaginait, et si elles permettent aux internautes de naviguer confortablement sur le site. Le test utilisateur est une méthode qualitative, mais objective : on ne demande pas aux gens si le site leur plaît, mais on leur demande de nous montrer ce qu’ils feraient pour atteindre tel ou tel objectif. Ainsi, on peut repérer les points d’accroche en fonction des réactions des participants. Le fait de conduire des tests utilisateurs directement avec la personne, en session individuelle, permet de répondre à la question du « pourquoi ». Par exemple, si la personne choisit un mauvais lien, elle aura l’occasion d’en expliquer la raison. Cette verbalisation à voix haute nous aide à accéder à son raisonnement mental, et c’est la seule manière de proposer des pistes d’amélioration fondées et pertinentes. Je parle de pistes d’amélioration car c’est bien l’unique intérêt du test utilisateur : il ne s’agit pas simplement de faire des constats, mais surtout de proposer des recommandations pour améliorer le support évalué. Le test utilisateur doit donc être conçu comme une méthode à intégrer à un cycle de développement, pour optimiser la qualité du projet.

(Lire la fin de l’interview page 2)