Benoît Sillard (Délégation aux usages de l’Internet): « Nous allons attirer les internautes débutants »

Mobilité

Le représentant de l’agence chargée de promouvoir l’Internet auprès du grand public dresse un premier bilan d’activité : plan Mipe, l’éducation en ligne, l’accès au Wi-Fi…

Dans le cadre du programme gouvernemental RE/SO 2002-2007 de développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) en France, Jean-Pierre Raffarin a mandaté la Délégation aux usages de l’Internet (DUI) pour sensibiliser le grand public sur des sujets comme la sécurité sur Internet, la protection des mineurs face aux contenus illicites et l’éducation en ligne. Créée en décembre 2003, la DUI développe des projets sur ces thèmes. Avec l’opération « Micro-Portable Etudiant » (MIPE) lancée en septembre 2004 sous la houlette du ministre de l’Education nationale François Fillon, la DUI a réalisé un joli coup médiatique. A l’occasion de la semaine spécial Fête de l’Internet (qui se déroule jusqu’au 26 mars), Benoît Sillard, Délégué interministériel aux usages de l’Internet, fait le point sur l’activité de son agence. Vnunet.fr: Dans quelle mesure avez-vous contribué à la vulgarisation de l’usage du Net en France depuis la création de la délégation? Benoît Sillard : Nous avons engagé diverses actions pour proposer l’Internet pour tous à l’horizon 2007. C’est d’abord l’engagement de proposer l’Internet sur tout le territoire. La loi sur la confiance dans l’économie numérique et la promesse de France Télécom de couvrir l’ensemble de la population française en ADSL d’ici 2006 vont faciliter notre tâche. L’année dernière, nous avons réalisé un guide sur le haut débit et les usages adressé aux 50 000 élus de France en guise de sensibilisation. Nous nous sommes égalements investis dans les espaces publics numériques pour affiner le maillage numérique du territoire. Il y en a 3 500 actuellement en France [ce chiffre reprend également le déploiement de Cyberbases dans les écoles ou les bibliothèques, NDLR]. Plus d’un millier de lieux publics ont signé la charte Net Public, qui a été lancée l’année dernière et qui favorise l’usage des services publics en ligne. Par exemple, nous venons de signer avec les maires du Grand Est parisien. Nous avons développé des programmes spécifiques de formation systématique aux technologies de l’information. Pour les élèves, c’est le Brevet Internet et Informatique à l’école, aux collèges, aux lycées et à l’université. Pour le dernier cas, nous avons monté l’opération Micro-portable pour les étudiants (Mipe). Nous allons élargir notre intervention sur les catégories de population qui ne sont pas ou peu connectées. Quelle forme va prendre ce nouveau plan de sensibilisation ? Ce vaste programme va concerner les 50% des Français qui ne sont pas internautes. Je pense aux seniors notamment mais pas uniquement. Le plan, qui devrait démarrer en septembre ou en octobre prochain, va couvrir les aspects d’équipement, de formation, d’accompagnement et d’installation à domicile. Quel niveau la France peut atteindre en termes de taux de pénétration d’Internet dans les foyers ? Aujourd’hui, Internet est dans un foyer sur trois. Mais, après, il existe de grandes différences entre les différents types de foyers. Par exemple, deux foyers avec des enfants scolarisés sur trois sont connectés. En 2007, nous pourrions atteindre les 80% des foyers de cette catégorie. Les efforts pour développer l’usage de l’Internet en France sont-ils vraiment coordonnés ? On a parfois l’impression qu’il s’agit d’initiatives ponctuelles isolées? La délégation aux usages de l’Internet joue vraiment un rôle de coordinateur. Le premier ministre a souhaité mettre en place trois pôles dans le cadre du plan Rezo 2007 : l’Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE) se concentre sur les relations administrations-administrés, la DiGiTip du ministère de l’Industrie et la Direction du Développement des Médias (DDM, rattaché au service du Premier ministre) prend en charge la partie entreprises, enfin la Délégation aux usages de l’Internet se charge des opérations grand public. Bien sûr, il y a eu des couacs entre les différents organismes mais rien de très notable. Il existe des passerelles pour faciliter les échanges : la délégation aux usages de l’Internet mais aussi le Forum des Droits sur l’Internet. François d’Aubert, ministre de la Recherche, vient d’annoncer le lancement du projet « Confiance ». En quoi cela consiste ? Ce projet entre que nous allons piloter dans le cadre du plan européen Safer Internet. Il sera lancé officiellement le 3 juin prochain. Nous allons créer des noeuds de sensibilisation qui vont aboutir à des campagnes nationales d’information. Nous avons reçu une subvention initiale de 650 000 euros pour monter ce projet. Nous allons travailler sur des sujets comme la sécurité sur Internet (protection des mineurs, lutte antispam, confidentialité des données?) mais aussi des thèmes comme les blogs et le peer to peer. Ce programme est monté en lien avec les ministères concernés pour la partie prévention et éducation (l’Industrie, la Culture, les Affaires sociales et la Famille et l’Education nationale) mais aussi pour les aspects répressions (Intérieur et Défense). Mais des groupes industriels seront également impliqués comme IBM, Microsoft, Apple ou Intel. Comment appréhendez-vous la problématique du filtrage des contenus en ligne ? Un travail très important a été mené au sein de l’Education nationale. La circulaire Darcos [du nom de Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement scolaire, NDLR] prévoit des formes systématiques de sensibilisation, de formation et de mise en place de logiciels de filtrage et de listes noires au niveau national. Depuis la rentrée de septembre 2004, le règlement intérieur de chaque établissement scolaire comporte obligatoirement une annexe sur Internet, qui doit être signé par les parents et les enfants. Nous avons mis en place une métaliste noire montée par l’université de Toulouse (qui comprend 400 000 sites douteux, 150 à 200 sites litigieux sont intégrés au quotidien). Nous avons délégué des crédits pour que les établissements se dotent de logiciels de filtrage et se branchent à cette métaliste. Il est prévu de lancer un volet de sensibilisation vis-à-vis des parents sur ce sujet à travers le prochain programme. Comment expliquez-vous l’engouement lié à l’opération « Un portable, un euro par jour » que vous avez supervisée ? Je dirais qu’elle peut être résumée sous le mot « ergonomie » ou « simplicité ». La micro-informatique reste un domaine difficile à appréhender, d’où l’idée de monter un produit clé-en-main pour les étudiants. Nous avons réuni les constructeurs et les groupes bancaires sous un label distinct. L’objectif n’était pas d’obtenir le matériel le moins cher mais d’obtenir un rapport qualité/prix/services appropriés aux besoins des étudiants. Nous avons fait une étude de satisfaction GfK sur les personnes ayant bénéficié du dispositif : 90% déclarent être prêts à recommander ce produit à des amis. Avant de lancer l’opération, entre 150 000 et 170 000 étudiants disposaient d’un ordinateur portable sur un total d’1,7 million d’étudiants en université. Avec l’opération Mipe, nous nous sommes fixés comme objectif de passer de 8 à 16% d’étudiants disposant d’un PC mobile la première année. Nous comptons maintenir ce rythme de croissance pour la deuxième édition (année universitaire 2005-2006). Nous avons reçu la visite de plusieurs délégations étrangères (Belgique, Royaume-Uni, Autriche?) qui réfléchissent à une éventuelle déclinaison de ce dispositif dans leurs pays respectifs. Estimez-vous que le Wi-Fi reste assez un accès coûteux ? Nous sommes satisfaits du développement de l’usage du Wi-Fi. 5% des foyers sont équipées en Wi-Fi. Il y a deux ans, nous étions au niveau zéro. 95% des universités sont connectées en Wi-Fi, soit 3500 établissements ayant installé des bornes d’accès. Nous avons investi 6,5 millions d’euros pour équiper les universités. L’usage se développe car la connexion Wi-Fi est gratuite sur les campus. Nous utilisons le réseau haut débit Renater dédié au monde de l’enseignement. Nous avons également déployé 5000 poins d’accès en wi-Fi dans des lieux publics mais l’accès est payant dans ce cas. Globalement, il faut admettre que les tarifs d’accès restent élevés. Nous allons faire en sorte que les prix d’accès baissent de manière significative dans les prochains mois. Le gouvernement devrait-il taper du poing pour exiger une baisse des coûts d’accès Wi-Fi, comme cela a été le cas pour les prix des SMS ? Le jeu de la concurrence dans l’accès au Wi-Fi va s’accentuer. Cela devrait conduire à une baisse des tarifs. Après, l’Etat peut jouer un rôle d’accélérateur ou rester neutre. Une fois votre mission achevée en 2007, que va devenir la délégation aux usages de l’Internet ? Nous verrons à ce moment-là. Nous sommes ancrés dans une logique de projets. Nous en avons encore dans les cartons. J’espère que l’on nous confiera de nouvelles missions au-delà de cette échéance. Les premiers pas du dispositif MIPE sont convaincants Lancé en septembre 2004, l’opération « Micro Portable Etudiant » ou « Un portable pour un euro par jour », qui s’appuie sur 17 partenaires (fabricants de PC, banques?), a séduit 100 000 étudiants et a conduit à l’octroi de 32 000 prêts. Les étudiants qui ont bénéficié du prêt MIPE ont emprunté en moyenne 1400 euros. Dans 80% des cas, le micro-ordinateur portable est un premier ordinateur personnel. La Délégation aux usages de l’Internet a annoncé en début de semaine que cette opération sera renouvelée pour l’année universitaire 2005-2006.


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