Chiffrement : l’Etat veut lever les obstacles au nom de la lutte anti-terroriste

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Les communications chiffrées compliquent les enquêtes sur les réseaux djihadistes. La France se rapproche de l’Allemagne en vue d’une position commune.

La France veut élever le débat du chiffrement des communications électroniques au niveau européen au nom de la lutte anti-terroriste contre les réseaux djihadistes. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve veut donner une impulsion commune avec l’Allemagne dans ce sens. Le cercle des pays pourra ensuite être élargi au niveau européen voire international.

Le 11 août, le ministre de l’intérieur a assisté au conseil de défense et fait le point sur la lutte contre le terrorisme. Bernard Cazeneuve dresse ce constat : « Beaucoup de messages échangés en vue de la commission d’attentats terroristes le sont désormais par des moyens cryptés, ce qui rend encore plus difficile le travail des services de renseignement. »

C’est un constat : si les communications chiffrées permettent de renforcer la confidentialité des échanges à l’ère du numérique, les groupes terroristes peuvent s’en servir à mauvais escient pour préparer leurs sinistres assauts.

A son insu, l’application Telegram, d’origine russe, est devenue un symbole car utilisée par des membres de l’Etat Islamique. Mais le débat va porter sur d’autres outils comme WhatsApp, Facebook Messenger ou Skype et déborder sur le chiffrement par défaut des communications sur les terminaux iPhone ou Android.

En France, Telegram a mauvaise publicité en raison de l’actualité. L’un des tueurs du père Jacques Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) a utilisé l’app de messagerie.  Tout comme l’adolescente radicalisée de 16 ans interpellée début août au Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne) : elle aurait affirmé son intention de commettre un attentat en France, par le biais d’un groupe de discussion sur Telegram.

« C’est un nouveau défi qui doit appeler une réponse internationale pour être efficace », a insisté le ministre de l’Intérieur. Le 23 août prochain, Bernard Cazeneuve rencontrera son homologue allemand Thomas de Maiziére pour « lancer une initiative européenne » visant à adopter une position commune.

Il faut resserrer l’accès au chiffrement des communications électroniques pour gagner en efficacité dans les investigations liées au terrorisme, considère le ministre de l’Intérieur. « La France fera des propositions, comme elle l’a fait pour le domaine de l’Internet, rappelant que la France avait été le premier pays à signer une charte avec les géants du Web et que les autres pays lui avaient emboité le pas. »

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Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve à la sortie du Conseil de sécurité (photo : Interieur.gouv.fr)

« La France fera des propositions »

Selon Reuters, Bernard Cazeneuve reste prudent sur des points sensibles : les éditeurs de logiciels et d’applications qui implémentent des couches de chiffrement dans leurs outils de communication seront-ils obligés de fournir aux services de renseignement les moyens de déchiffrer ce type de  communications ? « La France fera des propositions, j’en ai adressé un certain nombre à mon homologue allemand », s’est-il contenté de déclarer.

De manière générale, Telegram est appréciée par les personnes qui souhaitent communiquer de manière confidentielle avec un niveau très élevé de sécurité. Le Figaro expliquait récemment que plusieurs personnalités françaises utilisent couramment cette « application sulfureuse ».

Dans une interview accordée au Point en janvier 2015, Guillaume Poupard, Directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et docteur en cryptographie, déclarait que le fait de chercher à interdire le chiffrement était « à la fois passéiste et irréaliste ». Tout en précisant aussitôt : « Mais il faut aussi que tout cela ne s’oppose pas à la sécurité. Par exemple, il faut que les écoutes judiciaires puissent se faire. Je trouve que la situation actuelle n’est pas si mauvaise. »

En l’état actuel, Bernard Cazeneuve n’a pas évoqué d’interdiction du chiffrement stricto sensu. Mais il voudrait donner aux enquêteurs et aux services de renseignement les moyens adéquats pour casser les communications électroniques chiffrées et gagner en efficacité dans le déroulement des investigations anti-terroristes.

Crédit photo : copie écran vidéo BFM TV (image de propagande djihadiste)

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