Chronique « Croc-Crozier » (2) : Steve Jobs a-t-il enterré le Web ?, Christine Albanel et le « droit de lecture »
Nouvelle contribution de Sébastien Crozier (expert télécoms-TIC, conseiller prud’homal, syndicaliste…). Découvrez sa plume incisive et son regard décalé de l’actu.
Steve Jobs a-t-il enterré le Web ?
Tout le monde a salué l’industriel de génie qui a su développer des produits qui ont contribué à changer notre quotidien.
Pour autant, reste une question qu’il est permis de poser : « Steve jobs a-t-il enterré le Web ? »
Rappelons que lors du lancement de la 3G, la norme en vigueur pour la data mobile était le Wap… une sorte de Web light. Avec l’avènement de l’IPhone, Steve Jobs a non seulement bousculé l’univers de la téléphonie mais aussi remis en cause le modèle dominant du Web.
Tout utilisateur d’un iPhone, mais aussi aujourd’hui d’un téléphone sous Android peut certes surfer sur Internet mais utilise avant tout des applications téléchargées. Et les principaux éditeurs en ont désormais une sur chacune des principales plates-formes.
C’est le retour de la technologie client-serveur où seules les données essentielles sont transmises sur le réseau puisque l’utilisateur a préalablement installé sur son terminal un logiciel gérant l’interface de navigation…
Ce modèle très en vogue dans les années 90 lorsque les réseaux étaient peu développé avait fortement régressé notamment sur le marché des entreprises par rapport à ce qu’on appelle les applications full web, ou chaque page web est rechargée après chaque action majeure.
Sur les smartphones d’aujourd’hui, il est toujours possible de passer d’une application téléchargée vers le Web. Tout le monde aura constaté la rapidité d’accès à l’information via ces applications, largement supérieure à celle d’un accès via le web. C’est d’ailleurs ce qui a fortement contribué à la réussite de l’IPhone.
Les opérateurs apprécient particulièrement ce modèle car en diminuant le volume des données transmis, il diminue l’engorgement des réseaux mobiles.
L’écosystème mis en place par Apple, s’il constitue une véritable innovation dans le domaine de la data mobile, n’est pas nouveau.
Il faut se rappeler de la préhistoire de l’Internet, avec les services en ligne tel que AOL (America On line), Compuserve, ou même le premier service MSN de Microsoft, qui proposait aux utilisateurs un environnement propriétaire ou chaque éditeur devait utiliser les outils maisons pour que leurs services soient accessibles.
Ce modèle avait disparu devant l’universalité du Web et du langage HTML… les éditeurs préférant un environnement unique pour développer un seul service.
Les fréquences hertziennes sont des ressources rares, les opérateurs mobiles y sont en situation d’oligopole. C’est leur rigidité qui a empêché le développement de la data mobile. Il aura fallu l’arrivée d’un nouvel acteur pour que la data mobile se développe vraiment.
Les opérateurs y ont d’ailleurs perdu une part de légitimé mais aussi de la valeur puisque c’est Apple ou Google qui facture directement leur client.
Apple vient de rentrer dans le club très fermé des entreprises réalisant plus de 100 milliards de dollars annuel de chiffre d’affaires.
Assurément, Steve Jobs a remis cause la primauté du Web, mais va-t-il pour autant l’enterrer ?
L’Histoire, et en particulier celle des nouvelles technologies, est un éternel recommencement…
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