Corel poursuit son offensive Linux

Cloud

L’éditeur Corel serait en pourparlers avec Intel et un fabricant d’ordinateurs taiwanais pour lancer un PC de bureau grand public sous Linux. Mais avec le soutien des géants, le logiciel libre perdrait-il son âme ?

Comment réussir à diffuser massivement Linux auprès du grand public sachant que Windows règne sans partage sur ce terrain ? En offrant gratuitement en téléchargement sa propre distribution gratuite de Linux (voir édition du 2 février 2000), Corel trouvait une ébauche de solution. Mais la gratuité, ou le prix modique, ne suffit pas, encore faudrait-il que le système d’exploitation soit installé et prêt à démarrer facilement sur chaque PC flambant neuf.

Telle semble être la nouvelle orientation de l’éditeur canadien, si l’on en croit les indices rapportés outre-Atlantique par le journal national Globe and Mail. Cette publication signale que des discussions sont en cours entre Corel, le fabricant de puces Intel et le constructeur taiwanais PC Chips pour lancer, à une date non déterminée, un ordinateur bon marché équipé de logiciels libres dont la distribution Linux de Corel. L’éditeur s’est mollement défendu d’une telle initiative, se contentant d’indiquer qu’il était régulièrement en contact avec les industriels du monde informatique pour favoriser la diffusion de ses logiciels. Cela dit, des accords ont déjà été signés par le passé avec PC Chips, pour associer la distribution Corel Linux aux cartes-mères du constructeur asiatique (voir édition du 5 novembre 1999). Prolonger ce partenariat sous la forme d’un PC complet livré clé en main est donc tout à fait plausible…

Pour donner davantage de succès à Corel Linux, l’éditeur n’hésite pas non plus à « brader » ses applications. Après Word Perfect 8, c’est bientôt au tour de la version Linux de Photo-Paint 9 d’entrer dans le catalogue des logiciels gratuitement téléchargeables. Il s’agira d’une version allégée par rapport à la mouture commerciale. Actuellement, il n’en existe qu’une version Windows complète à 3 000 francs TTC.

L’arrivée de logiciels plus ou moins gratuits est évidemment l’une des conditions nécessaires pour aider Linux à s’installer sur les bureaux, pour jouer ou travailler. L’éditeur Deneba vient ainsi d’annoncer une version gratuite de son application graphique Canvas 7. Reste que l’arrivée des éditeurs traditionnels sur le marché Linux fait tout de même grincer quelques dents. Encore confiné aux serveurs et autres PC placés entre les mains de bricoleurs passionnés, le logiciel libre (dont Linux est le porte-drapeau) prend le chemin d’une démocratisation qui malmène la pensée libertaire de ses débuts.

Ainsi, Corel a développé sa distribution autour de celle de Debian sans forcément lui rendre l’hommage que certains auraient souhaité. Certes, Corel l’a rendue moins aride en ôtant quelques sophistications et en la rendant plus conviviale pour l’amateur non éclairé. Mais la médaille a son revers. « A partir de Debian, constituée à 100 % de logiciels libres, Corel a ajouté des outils qui ne sont pas des logiciels libres. Les codes du gestionnaire de fichiers Corel File Manager, de plusieurs outils d’impression de documents, d’installation ou d’administration ne sont pas disponibles », déplore Stéphane Fermigier, président de l’Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres (AFUL).« Contrairement à Red Hat ou Mandrake, qui jouent le jeu, Corel refuse de voir son logiciel repris par les développeurs. Son comportement est ambigu », complète-t-il.

Or, les géants commerciaux n’hésitent pas à tirer sur la corde. Ainsi, la suite bureautique Star Office de Sun Microsystems n’est pas totalement libre. On peut la télécharger gratuitement, mais un éditeur comme Red Hat ne pourra pas la diffuser sans verser de royalties. En outre, le code source n’est pas intégralement disponible, alors que l’éditeur l’avait promis. Autant d’entorses à la philosophie du logiciel libre, qui font penser qu’à terme, la force commerciale des grands éditeurs traditionnels risque de ne guère se plier aux voeux des inconditionnels de cette dernière.

Pour en savoir plus :

* Corel France

* L’AFUL