Coup dur pour Transmeta

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Après l’annonce de perspectives de résultats désastreux, le titre Transmeta a chuté de plus de 50 % de sa valeur. Des mauvais résultats justifiés par la récession qui frappe à son tour le Japon, principal marché pour Transmeta, selon son président. Une perte de confiance plus économique que technologique. Et, peut-être aussi, une part du rêve de révolution technologique qui s’envole.

Entre mercredi 20 et jeudi 21 juin, le titre Transmeta a perdu plus de 57 % de sa valeur. Il est passé de 12,60 à 5,36 dollars à la clôture. Que s’est-il passé ? Une annonce sur les mauvaises perspectives de résultats de la société. Après avoir dévoilé un chiffre d’affaires de 18,6 millions de dollars pour le premier trimestre 2001, Transmeta a dû se résoudre à annoncer une baisse en perspective de 40 à 45 % du CA pour le deuxième trimestre. Et ses pertes de 13,2 millions de dollars sur les trois premiers mois de l’année devraient encore s’accentuer à la fin du semestre. Une baisse de revenus en perspective, expliquée par le ralentissement du marché asiatique, victime à son tour, après l’Amérique du nord et l’Europe, de la récession. « Notre business est essentiellement basé au Japon », explique Mark K. Allen, le président de Transmeta, « lequel semble expérimenter les faiblesses économiques qui ont touché le reste du monde depuis le début de l’année. » Soit. Mais si la récession ne fait les affaires de personne, elle semble particulièrement toucher celles de Transmeta.

Des débuts prometteurs

Tout avait pourtant bien commencé pour cette start-up créée en 1995 et financée par des gens aussi illustres que le financier Georges Soros ou le cofondateur de Microsoft, Paul Allen. Transmeta avait notamment réussi à développer dans le secret un produit qui allait, nous disait-on, révolutionner l’industrie des processeurs. Le produit fut présenté en début d’année 2000. Il s’agissait du Crusoe, un nouveau type de processeur fonctionnant en 128 bits mais compatible x86 grâce à une technologie d’émulation logicielle intitulée code morphing (voir édition du 20 janvier 2000). L’intérêt principal de cette technologie tient dans la faible consommation qu’engendre le processeur par rapport aux modèles alors disponibles. Transmeta annonçait notamment une autonomie de huit heures pour un portable, là où un Pentium ou un Celeron ne dépassaient pas les trois heures. Bien que ce processeur fût loin d’être aussi performant et impressionnant qu’espéré (voir édition du 5 décembre 2000), l’introduction en bourse, début novembre 2000, fut pourtant un succès. Introduit à 21 dollars, le titre s’envola à plus de 45 dollars. Avant de redescendre progressivement jusqu’à 12 dollars, soit un niveau légèrement supérieur à sa valeur initialement estimée (11 ou 13 dollars) avant la mise sur le marché des 13 millions d’actions. Jusqu’à jeudi où le titre s’est effondré.

Certes, les résultats financiers sont mauvais. Certes, la technologie reste prometteuse mais encore trop limitée à quelques produits, essentiellement confinés au marché asiatique. Sont-ce là des raisons qui suffisent à expliquer l’humeur de la Bourse ? Plus qu’une perte de confiance, c’est une part du rêve technologique – que symbolise encore aux yeux de certains le Crusoe – qui semble s’envoler. Car plus qu’un simple agitateur, Transmeta est certainement à l’origine de l’idée révolutionnaire de processeur à faible consommation. En lançant à leur tour leurs propres technologies d’économie d’énergie ? le SpeedStep en Low Voltage et Ultra Low Voltage chez Intel et le PowerNow! chez AMD (voir édition du 30 janvier 2001 ?, les deux fondeurs américains rendent certes hommage à la clairvoyance du petit nouveau mais, surtout, ils se positionnent en concurrents sérieux. Si bien que Transmeta n’a, à ce jour, pas réussi à intéresser les grands constructeurs américains, à quelques exceptions près comme la Tablet PC de Microsoft (voir édition du 28 mars 2001) ou encore le portable modulable de PaceBlade (voir édition du 21 mars 2001). Transmeta serait-il l’architecte processeur de trop ? L’agitateur d’idées dont on veut bien s’inspirer mais qu’on ne veut pas laisser jouer sur ce marché hyper concurrentiel ?

Transmeta remet les pieds sur Terre

L’avenir de Transmeta n’est, à ce jour, pas remis en cause. Conscients des faiblesses de leur produits et notamment des retards de fréquences face aux Pentium III et autres Athlon 4 mobiles, les ingénieurs s’apprêtent à lancer un nouveau modèle de Crusoe, le TM5800, qui sera gravé en 0,13 micron et devrait atteindre le gigahertz en 2002 contre 700 MHz actuellement (voir édition du 14 juin 2001). Transmeta vient d’ailleurs d’annoncer son partenariat avec Seiko Epson Corporation pour développer des semi-conducteurs optimisés pour les Crusoe. Et les clients se multiplient. Sony, Nec, Toshiba, Casio, sont quelques-uns des industriels asiatiques à avoir introduit des portables version Crusoe. En Europe, Philips devrait exploiter le Crusoe pour des écrans plats dédiés aux appareils Internet mobiles. Sur le continent américain, quelques sociétés comme RLX ou Rebel.com introduisent les Crusoe dans des serveurs (voir édition du 25 janvier 2001). Transmeta « prête » sa technologie d’émulation processeur à AMD pour l’aider à finaliser ses Hammer 64 bits tout en livrant Midori, une version Linux de son logiciel destinée aux assistants personnels (voir édition du 14 mars 2001). Bref, après avoir parfois fanfaronné – notamment à travers la personne de Linus Torsvald – sur son avance technologique, après avoir été couvert d’éloges et de prix (notamment au dernier Consumer Electronic Show de Las Vegas), Transmeta reprend pied avec la réalité du marché. C’est le métier qui rentre, en somme.