E. Barreiro (UFC-Que Choisir) : « Les débats au Sénat n’ont pas été constructifs »

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Selon le « Mr TIC » de l’association de défense des consommateurs, le projet de loi « Création et Internet » est déconnecté de la réalité des usages.

L’alerte humoristique « Dédé va procéder à la coupure de votre ligne ADSL », lancée par UFC-Que Choisir en plein débat au Sénat sur le projet de loi « Création et Internet », fait le tour de la Toile. La campagne vidéo de « buzz-lobbying » autour du site Ca-va-Couper.fr a démarré jeudi en début d’après-midi et l’association de défense des consommateurs recense déjà plus de 20 000 consultations des sketches déposées sur Dailymotion. Quant au site Internet dédié, il a enregistré 10 000 visites jeudi entre 14h00 et 00h00 (source : Google Analytics). Edouard Barreiro, en charge des dossiers TIC pour le compte d’UFC-Que Choisir, demande le retrait de ce projet de loi marqué par « l »hypocrisie ». (interview réalisée le 31 octobre 2008)

Vnunet.fr: D’ou viennent les initiatives « Dédé » et « Ca-va-couper.fr » ?
Edouard Barreiro : Si vous suiviez bien les vidéos, il y a quelques erreurs. On parle au départ de trois lettres recommandées pour avertissement alors qu’il s’agit dorénavant de mails. On aurait bien voulu peaufiner mais on a tout ressorti en urgence. Pourtant, l’idée vient de loin. Elle a démarré juste après notre audition au nom de la mission Olivennes qui date du 14 novembre 2007. Son président Denis Olivennes parle d’un « consensus général » sur les travaux réalisés. Ce n’était pas l’avis d’UFC-Que Choisir. On s’est retrouvé comme les dindons de la farce. Free ne dit pas moins que cela en déclarant avoir signé une feuille blanche. Les vidéos ont été réalisées en interne avec le responsable des contenus Web. Nous avons quand même fait appel à un acteur professionnel [ndlr, le rôle du policier est joué par l’acteur Pierre Baux].

Vnunet.fr: Que pensez-vous des premiers débats survenus au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi « Création et Internet » ?
Edouard Barreiro : J’ai l’impression que nos élus et les lobbyes de production de musique ou de cinéma n’écoutent pas les consommateurs. Ces derniers admettent qu’il y a un problème avec le téléchargement mais ils ont le sentiment que le projet de loi est disproportionné : on va être sanctionné mais, à côté, on nous propose rien en alternative légale. Je trouve que les sénateurs sont très mal à l’aise avec ce projet de loi. Ils se sentent obligés d’y aller et de se plier, faute d’alternative réelle. C’est de l’hypocrisie : la licence globale est devenue un sujet tabou alors qu’il paraît inévitable de se tourner vers ce type de solutions en phase avec l’usage des internautes. Du coup, la discussion au Sénat se concentre sur des petits points. C’est loin d’être constructif.  On n’aborde pas le problème de fonds qui est le contenu. Même si les sénateurs ont précisé que l’Hadopi devait « encourager » le développement de l’offre commerciale légale. Mais ils n’ont pas fixé d’objectifs concrets ou des obligations.

Vnunet.fr: Quels points souhaiteriez-vous améliorer dans le texte du gouvernement ?
Edouard Barreiro : Pour être honnête, on ne veut rien garder. Il est fort probable qu’il existe un problème avec le téléchargement mais ce sont de simples internautes qui téléchargent un à deux titres par mois qui vont en pâtir. On peut être considéré comme un criminel à ce stade. Ce projet est coûteux pour la collectivité en termes de finance (6,5 millions d’euros ajoutés à la Loi de Finance), sans compter sur les coûts supportés par les opérateurs (pour adapter le volet du filtrage par exemple). Il y aura des dommages collatéraux énormes. Nous ne voulons pas forcément instaurer la licence globale. Il y a beaucoup d’alternatives.

Vnunet.fr : Quelles analyses faîtes-vous des faiblesses du marché de la musique?
Edouard Barreiro : L’industrie de la musique se porte très bien : les perceptions de la Sacem augmentent de manière constante, tout comme les rémunérations publiques (discothèques, animation restaurants…). Mais il est vrai que le marché du CD fléchit. Si les ventes de CD chutent, ce n’est pas à cause du téléchargement illégal. On en a assez d’entendre parler d’études économiques qui prouveraient une corrélation alors qu’elles sont contradictoires les unes par rapport aux autres. La seule manière pour vérifier consisterait à affiner le sondages. En posant ce type de question : « Vous aviez l’intention d’acheter un titre mais finalement vous le faîtes pas. Est-ce parce que vous l’avez trouvé gratuitement ailleurs ? » Pour faciliter de nouveaux entrants comme le service de musique en streaming Deezer, il faut créer les conditions d’un marché de gros ouvert et attractif pour accéder aux catalogues des majors sans restriction.

Vnunet.fr : Et pour le cinéma ?
Edouard Barreiro : C’est un peu différent, même si le marché là aussi se porte très bien. Les ventes de DVD baissent d’un côté mais la relève arrive avec le support Blu-ray que les consommateurs voudront tester. Elles sont largement compensées par l’augmentation des subventions, émanant notamment de Canal Plus et l’exploitation de ses bouquets de chaînes thématiques et la multiplication de nouvelles formes d’exploitation d’oeuvres cinématographiques comme la vidéo à la demande.

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