France Télécom accusé d’abus de monopole

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Club-Internet saisit le Conseil de la concurrence. Dossier à l’appui, le fournisseur d’accès veut prouver que les agences de France Télécom privilégient son service Wanadoo au détriment des autres fournisseurs. Plus grave, l’opérateur est accusé de détourner les clients de ses concurrents.

Une agence France Télécom bien ordinaire. Sur la devanture, comme à l’intérieur, seul Wanadoo est en vue, et même bien en vue. « On ne commercialise que Wanadoo« , répond un agent commercial, goguenard à l’idée qu’on puisse lui demander un jour de vendre un autre service. Ici, Internet et Wanadoo sont synonymes. De la concurrence sur l’accès Internet? Il faut aller ailleurs pour le savoir.

Pour Club-Internet, ce n’est plus supportable. Le fournisseur d’accès a rassemblé un dossier de 70 pages accusant France Télécom d’abus de position dominante. Pendant deux ans, un quartet d’avocats s’est efforcé de recueillir preuves et témoignages pour étayer ses accusations.

Si elle agace ses concurrents, l’omniprésence de Wanadoo dans les agences France Télécom n’est que la face visible des pratiques attribuées à l’opérateur. Club-Internet reproche à France Télécom d’utiliser ses fichiers pour attirer de nouveaux internautes dans son escarcelle. Un porte-parole de Club-Internet explique que plusieurs personnes ayant testé son offre d’accès à haut débit ADSL ont été contactées durant les dernières semaines par les agents commerciaux de Wanadoo et se sont vu proposer de changer de fournisseur !

Plus de 150 pièces alimentent le dossier de plainte, qui est ouvert et continue même d’enfler. Club-Internet a contacté ses abonnés pour récolter les témoignages susceptibles de confirmer le « racolage » de France Télécom.

Club-Internet espère que le Conseil de la concurrence prendra plusieurs mesures pour mettre fin à ces pratiques jugées déloyales. La filiale de Grolier souhaite que France Télécom arrête de démarcher les clients des concurrents et cesse de commercialiser Wanadoo à l’exclusion de tout autre service. Il demande que Wanadoo ne puisse pas proposer en même temps à ses clients un service téléphonique couplé à un service Internet. Pour mieux couper le cordon ombilical entre les deux sociétés, Club-Internet exige que France Télécom cesse de promouvoir Wanadoo lors de la présentation d’un service lié au Web (par exemple l’ADSL).

Sur le terrain, les pratiques de l’opérateur montrent l’ambiguïté à être à la fois loueur de tuyaux et fournisseur d’accès. C’est particulièrement flagrant dans le cas de l’ADSL qui requiert une installation d’équipements par les agents de France Télécom. Avec Wanadoo, le technicien peut configurer immédiatement l’ordinateur en « prêt à surfer ». Si le client préfère un service concurrent, il devra se débrouiller et régler les paramètres à la main. Une tâche qui n’est pas à la portée du premier venu.

Club-Internet juge suspecte la croissance extraordinaire de Wanadoo. Le service a distancé tout le monde, caracolant à la première place avec près de 950 000 abonnés, devant AOL-Compuserve (450 000 abonnés) et Club-Internet (295 000 abonnés).

Il faudra plusieurs mois, voire un an, avant que le Conseil de la concurrence ne se prononce. On se souvient que Club-Internet avait gagné une première bataille en obtenant le report du lancement unilatéral du service Netissimo de communications ADSL à haut débit. Un répit de quinze semaines avait été accordé par le Conseil de la concurrence (voir édition du 12 juillet 1999) pour permettre aux concurrents de Wanadoo d’expérimenter le service Netissimo de France Télécom. Ce dernier a d’ailleurs perdu ses espoirs de monopole sur l’ADSL, puisqu’une décision réglementaire impose que tout fournisseur peut avoir accès à la technologie.