Futur en Seine 2015 : carrefour du crowdfunding et des monnaies virtuelles

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Quels sont les marqueurs de Futur en Seine 2015 ? Finance 2.0, robotique, impression 3D, crypto-monnaies, objets connectés…Petite visite sur place.

Au contraire de la santé connectée, du quotidien responsable, des expériences immersives ou encore des outils créatifs, la finance 2.0 n’est pas, sur le papier, une thématique centrale à l’édition 2015 de Futur en Seine, ce festival du numérique qui se déroule du 11 au 21 juin dans toute l’Île-de-France.

Et pourtant, entre crowfunding et monnaies virtuelles, il était difficile de ne pas percevoir la tendance ce week-end au Village des innovations, établi pour la deuxième année consécutive dans le coeur de Paris, entre la Gaîté lyrique et le Conservatoire national des arts et métiers (3e arrondissement).

En matière de financement participatif, à chacun sa stratégie. Alors que certains porteurs de projets privilégient les plates-formes françaises pour des raisons de proximité (aussi bien avec les investisseurs qu’avec les gestionnaires desdites plates-formes), d’autres préfèrent s’appuyer sur des services qui leur donnent une visibilité à l’international tout en les ouvrant à une communauté plus vaste d’internautes.

Dans cette dernière catégorie, on trouve notamment Asphalt Lab et Blue Frog Robotics. Le premier débarquera en juillet sur Kickstarter pour y exposer son compteur connecté Haïku, destiné aux cyclistes. Le second a choisi Indiegogo pour ouvrir, ce mois-ci, sa campagne pour le robot domestique My Buddy.

Deux poids lourds du crowdfunding qui, officiellement, n’inquiètent ni Ulule, ni KissKissBankBank, concurrents sur le segment du don avec contrepartie, mais voisins de stand le temps du festival Futur en Seine.

Du côté des deux plates-formes françaises, on joue la complémentarité avec les banques, en proposant une alternative aux entrepreneurs qui ne parviennent pas à obtenir de soutien via ces canaux de financement traditionnels.

Et tandis que chez KissKissBankBank, on estime que « Kickstarter s’est très mal préparé pour arriver en France », chez Ulule, on nous rappelle que « des ateliers sont organisés toutes les deux semaines  pour faciliter la prise de contact entre les membres de la communauté ».

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En mode start-up sur le stand de KissKissBankBank.

Le crowdfunding et au-delà

Au détour des allées, on rencontre aussi des acteurs qui n’ont jamais fait appel au crowdfunding. Témoin Lydia, qui emploie désormais une vingtaine de collaborateurs et revendique plus de 80 000 utilisateurs pour sa solution de paiement mobile.

Ciblant en premier lieu les 18-30 ans, généralement ouverts aux nouvelles technologies et aux nouveaux usages, l’offre est disponible chez près de 3000 professionnels parmi lesquels fast-food et cafétérias, mais aussi salles de cinéma… et métiers libéraux.

Assortie d’un taux de commission qui varie de 0,3 % à 1,5 %, elle est surtout vantée pour son caractère universel. « Essayez de payer Amazon avec un billet de banque ou de rembourser un camarade de classe avec une carte bancaire », nous confiait récemment le fondateur Cyril Chiche.

Auteur, fin 2014, d’un tour de table de 3,6 millions d’euros, Lydia prépare une deuxième opération du genre pour l’année prochaine, avec en ligne de mire l’extension de ses activités à l’international.

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Blue Robotics a jugé qu’au niveau d’aptitude actuel du robot, les bras étaient de trop.

A quelques mètres de là, sous la tente installée dans la cour d’honneur du CNAM, Haïku n’en est pas tout à fait au même stade de développement.

Son compteur connecté n’est encore qu’un prototype qui devrait être produit à 5000 exemplaires si la campagne Kickstarter en préparation pour juillet atteint son objectif, lequel devrait être fixé ans la fourchette de 40 000 à 50 000 euros.

Blue Robotics cherchera a priori à récolter le double, avec un ticket d’entrée annoncé à 700 euros TTC sur Indiegogo pour son robot My Buddy. « Ce genre de produit devrait se démocratiser dans les foyers à l’horizon 2020 », nous confie l’équipe présente sur place.

Cinq ans, le temps qu’il faudra pour développer davantage de solutions « maison » ? Dans l’état actuel, le robot, dont le visage n’est autre qu’une tablette tactile, fonctionne soit sous Windows, soit sous Android.

Il tire parti des fonctionnalités de reconnaissance vocale intégrées dans les deux systèmes d’exploitation. Mais Blue Frog Robotics compte développer son propre logiciel… qui puisse tout particulièrement mieux tolérer le bruit ambiant (le robot n’aura effectivement pas été très réactif dans le brouhaha de Futur en Seine).

Smart data

L’autre axe de travail majeur, c’est la reconnaissance faciale : My Buddy est censé détecter à qui il a affaire et ainsi adapter son comportement.

On retrouve une problématique similaire chez Qivivo. Le concurrent de Nest sur le marché du thermostat connecté a testé pendant plusieurs mois, entre 2012 et 2013, un produit aujourd’hui installé dans « plusieurs milliers de logements », parfois avec le concours de bailleurs sociaux.

Apprenant des habitudes de vie de son propriétaire, le thermostat Qivivo réagit aussi différemment par rapport à l’ensoleillement, au vent et aux variations de température. Autant de données qui lui permettent par ailleurs d’effectuer un diagnostic thermique des bâtiments et de fournir des conseils personnalisés sur la rénovation énergétique.

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Cinquième génération pour l’imprimante 3D Digital Object Maker.

Au quatrième et dernier étage de la Gaîté lyrique, on prend de l’altitude avec l’espace « Makers ». L’impression 3D y occupe une position préférentielle. Juste en face de l’accès principal, on tombe ainsi sur DOOD, qui présente la 5e itération de son Digital Object Maker, dont le premier modèle avait été financé sur KissKissBankBank à l’été 2013.

En deux ans, le produit a bien évolué : il est devenu plus rapide et capable de traiter davantage de matériaux. Mais c’est surtout sur la partie logicielle – toujours sur le principe de l’open source – que DOOD cherche aujourd’hui la valeur ajoutée.

« On s’intéresse avant tout aux collèges et lycées. L’État commence à prendre des initiatives », nous signale-t-on avant d’ajouter : « On n’exclut pas d’être racheté sous 2 ans. Cela dépendra de notre capacité à boucler le contrat qui se profile avec un gros client ».

Chez Sculpteo, on ne fabrique pas d’imprimantes. On se concentre sur l’offre de services pour faciliter l’impression, du transfert de modèles 3D à la commande d’objets.

En six ans d’activité, l’entreprise fondée par des anciens d’Inventel (passerelles domestiques ; revendu à Thomson), s’est associée à Amazon, eBay, Auchan, Intermarché, Orange ou encore La Poste. Des groupes auxquels elle propose sa plate-forme « de bout en bout » avec un catalogue d’une cinquantaine de matériaux et de nombreuses options de finition.

« Les principaux avantages de l’impression 3D restent les capacités de personnalisation et les coûts modiques pour la production en petites séries », nous assure-t-on. Tout en précisant que « la croissance, à l’heure actuelle, se trouve bel et bien aux Etats-Unis », où Sculpteo a d’ailleurs installé une équipe commerciale.

Bitcoin est mort, vive la blockchain ?

Bien que les exposants du Village des innovations fussent tout à fait enclins à évoquer le sujet des monnaies virtuelles, il fallait être présent à l’ouverture des festivités, dans la matinée, pour la conférence dédiée au bitcoin et à la technologie sous-jacente, appelée blockchain.

Pas d’embouteillage devant l’amphithéâtre A. Grégoire du CNAM, mais un public de plusieurs dizaines de personnes, dont de nombreux entrepreneurs parfois moteurs de cette « économie décentralisée » qui échappe au contrôle des banques.

Conceptualisé en 2008 dans un livre blanc, Bitcoin est lancé l’année suivante en tant que réseau. Il est assorti, en 2010, à un forum doublé d’une place de marché. Les premiers investissements de business angels interviennent en 2011, suivis par une vague d’adoption chez les commerçants, l’émergence de start-up et une hausse du cours de la crypto-monnaie.

Ce n’est véritablement que l’année dernière que les fonds d’investissement et les régulateurs se penchent sur le bitcoin et son modèle peer-to-peer destiné à éliminer les frictions… mais aussi les coûts liés au transfert de valeur.

Il faut dire que le réseau, valorisé à 3,35 milliards de dollars, est dorénavant « plus puissant que les 500 ordinateurs les plus performants de la planète réunis », selon Nicolas Cary, CEO de blockchain.info, un service de porte-monnaie électronique associé à une explorateur de blocs Bitcoin permettant d’analyser toutes les transactions effectuées.

Mais ce qui retient l’attention, c’est bien la technologie sous-jacente : la blockchain, ce registre sécurisé par cryptographie qui enregistre de manière infalsifiable des échanges de données sans intervention d’une autorité centrale.

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Nicolas Cary (à d.), accompagné de Sébastien Canard (à g.) et d’Eric Larchevêque (au centre).

Décentralisation

Éric Larchevêque apprécie surtout le niveau de traçabilité offert par cette technologie : on ne supprime jamais d’opération. Tout au plus peut-on l’inverser grâce à une opération de sens inverse.

Le fondateur de la Maison du Bitcoin – implantée rue du Caire, dans le 2e arrondissement de Paris – souligne par ailleurs que la blockchain « est très difficile à bloquer, de par sa nature décentralisée [le contrôle de l’intégrité du registre est assuré collectivement par l’ensemble des nœuds, ndlr] ».

Des propos tempérés par Sébastien Canard. Pour cet expert en sécurité chez Orange Labs, le caractère anonyme des « artisans de la blockchain » (ceux qui prêtent de la puissance de calcul pour entretenir le réseau en échange de bitcoins) pose justement des questions. Plus encore quand on sait que « si une entité [singulière ou collective] parvient à contrôler 33 % de la blockchain, elle peut la contrôler dans son intégralité ».

Autre problème potentiel : la capacité limitée de montée en charge, qui pourrait, à terme, nécessiter de supprimer des données de la blockchain… quitte à aller à l’encontre du principe même de registre perpétuel. C’est sans compter les coûts de fonctionnement du réseau, estimé à 800 millions de dollars par an rien que pour Bitcoin.

Sébastien Canard est toutefois formel : de la valeur réside dans la blockchain, à condition de travailler sur des usages qui n’en exploitent qu’une partie, par exemple dans le micro-paiement, les DNS ou encore le crowdfunding.

IBM a récemment officialisé des travaux en ce sens avec plusieurs organismes financiers sur un système de paiement électronique semi-centralisé acceptant les principales devises. L’idée est de réduire le nombre d’intermédiaires tout en diminuant les frais sur l’ensemble de la chaîne de paiement.

La blockchain a aussi fait l’objet d’expérimentations dans le cadre de votes, comme celui organisé par la Fondation Bitcoin pour le renouvellement de son conseil d’administration.

Le groupe américano-européen gestionnaire du Nasdaq envisage pour sa part d’y recourir afin de faciliter les échanges d’actions sur sa place de marché réservée aux sociétés privées qui s’apprêtent à faire le grand saut vers les marchés publics.

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Plusieurs projets de réalité virtuelle étaient présentés. Ici autour du casque Samsung Gear VR.

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