JC Lagarde (député) : « Google Street View livre en pâture des vues à la curiosité publique »

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Interview du député Nouveau Centre et maire de Drancy qui a déposé une proposition de loi pour « restreindre les immixtions des moteurs dans la vie privée ». Google est clairement visé.

ITespresso.fr : Selon l’argument de certaines collectivités, ces services cartographiques favorisent la promotion d’un territoire à travers le monde. Qu’en pensez-vous ?
JC Lagarde : Je pense qu’elles n’ont pas mesuré l’atteinte que cela portait à la vie privée de leurs concitoyens et les dérives que cela peut entraîner. D’ailleurs, le débat est intéressant : cela me permet de faire une analogie avec les collectivités qui effectuent de la vidéo-surveillance. En France, la vidéosurveillance est réglementée, c’est-à-dire que vous prenez des vues et seuls des profils de gens comme les officiers de police judiciaire ou délégués par le procureur de la République sont habilités à voir ces images et à les exploiter d’un point de vue judiciaire si besoin est.

ITespresso.fr : Mais, sur Google Maps ou Google Street View, les images ne sont pas diffusées en temps réel ou en mode continu…
JC Lagarde : Dans le cas présent, vous avez des images qui ne sont – certes – pas continues mais qui sont tout de même des prises de vues de votre vie à un instant T jusqu’à l’intérieur de vos parcelles. Alors que la vidéosurveillance n’est autorisée que sur la voie publique. Nous n’avons pas le droit de filmer ce qui se passe chez vous. Et le cercle de gens qui ont accès aux images, encore une fois, est restreint. Avec ces services Internet, c’est tout l’inverse, c’est livrer en pâture des vues à la curiosité publique. A mon sens, cela ne vient pas contrebalancer l’effet positif que des maires trouveraient à ce que l’on puisse voir leur commune. Le droit des citoyens et leur vie privée me paraissent supérieurs au droit publicitaire d’un édile sur sa commune.

ITespresso.fr : Les collectivités devraient-elles avertir les citoyens de la « photographie » d’une ville par ces services et indiquer comment s’opposer à la photographie de son domicile ?
JC Lagarde : Le droit qui permet de retirer une information n’est pas satisfaisant lorsqu’il s’agit de la vie privée. Nous savons que la plupart des gens n’auront pas accès à ce droit parce qu’ils ne sauront peut être même pas qu’ils sont exposés. Il ne faut pas inverser les rôles : quand on prend des éléments de votre vie privée pour diffusion publique, on doit demander une autorisation au préalable. Et il ne faut pas partir du principe : je demande le retrait après diffusion.

ITespresso.fr : Les vues aériennes très précises de Bing Maps sont-elles aussi concernées ?
JC Lagarde : Autant cela ne me parait pas dramatique lorsqu’il s’agit de vues prises depuis le satellite ou de vues aériennes relativement éloignées, puisque l’on ne voit pas d’éléments de votre vie privée. Mais à partir du moment où ce type de prise de vue peut donner des détails sur votre vie privée et votre mode de vie, alors la réponse à votre question est Oui.

ITespresso.fr : Quand cette proposition de loi pourrait être débattue ?
JC Lagarde : Vous le savez, il faut qu’un certain nombre de mes collègues députés signent ce projet. Mais l’atteinte aux libertés individuelles et l’enjeu me paraît suffisant pour que cela devienne un véritable débat national. J’espère que les internautes me suivront. Cela sensibilisera davantage l’Assemblée nationale.

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