La LEN définitivement adoptée

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Après les députés, les sénateurs ont validé le texte de loi sur la confiance dans l’économie numérique. Le Conseil constitutionnel devrait cependant trancher quelques points litigieux.

Les sénateurs ont définitivement adopté le texte de loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN) sans apporter de modifications significatives à la version votée par les députés la semaine dernière après son passage en commission mixte paritaire (voir édition du 6 mai 2004). Les 58 articles de la LEN visent à dresser un cadre juridique spécifique à Internet. Ce cadre concerne aussi bien les contenus circulant sur la Toile que le commerce électronique, la publicité en ligne, le spam, la sécurité des échanges ou encore les obligations des opérateurs de téléphonie mobile, les systèmes satellitaires, le cadre d’exploitation d’un réseau par une collectivité territoriale… Bref, une loi fourre-tout qui, au fil des débats, a buté contre quelques points, essentiellement liés à la responsabilité des prestataires techniques.

Désormais, l’article 4 de la LEN impose une responsabilité civile et pénale aux hébergeurs et fournisseurs d’accès. Sitôt avisés, les hébergeurs devront fermer un site dont le contenu semble illégal (pédophilie, incitation à la haine raciale, apologie de crimes contre l’humanité), diffamant ou encore relatif au piratage informatique, sans que l’affaire soit jugée dans l’enceinte d’un tribunal. Aux prestataires de juger de la légalité ou non des contenus visés. En cas de refus de collaborer dans le sens du requérant, ils risquent un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Face à ces menaces, il y a de grandes chances pour que les prestataires suppriment les sites concernés sans hésitation. Pour éviter les abus, la loi prévoit que les personnes demandant le retrait d’un contenu en sachant que celui-ci n’est pas illégal risquent également un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Dans le cadre de la lutte contre les contenus illégaux, les fournisseurs d’accès doivent également « mettre en place un dispositif rapidement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données » (article 6).

Autre point d’achoppement, la disparition du statut de correspondance privée du courrier électronique. La LEN est particulièrement ambiguë sur ce point. Le texte définit l’e-mail comme un « message sous forme de textes, de voix, de son ou d’image » et non pas une « correspondance », terme auquel se réfèrent généralement les lois protégeant la vie privée. Dans les faits, il serait étonnant que les autorités surveillent tous les courriels qui transitent sur le territoire national mais selon la nouvelle loi, l’e-mail s’apparente plus à la « communication électronique » qu’à la correspondance privée.

Enfin, l’article 2 du texte introduit une modification quant à la prescription des délits de presse spécifique aux publications en ligne. Pour la presse traditionnelle, une personne s’estimant lésée par un article dispose de 90 jours pour porter plainte. Sur le Web, elle pourra prendre son temps puisque le délai de prescription de trois mois ne commencera qu’à partir du retrait de l’article en question. Les journalistes et leurs responsables hiérarchiques sont donc susceptibles d’être poursuivis tant que l’article reste en ligne. Ce qui, dans le cadre du Web, peut durer des années, voire toute une vie.

Responsabilité des prestataires techniques, ambiguïté sur le statut de correspondance privée du courrier électronique, différenciation entre les publications traditionnelles et en ligne dans le cadre des délits de presse… autant de points sur lesquels le Conseil constitutionnel devra trancher, l’opposition ayant annoncé son intention de saisir le Conseil.