La surveillance du mail devient légale

Mobilité

Une nouvelle réglementation britannique autorise les entreprises à surveiller les e-mails de leurs salariés. Aux Etats-Unis, les employeurs sont tenus d’en informer le personnel tandis qu’en France, la situation est plus confuse qu’il n’y paraît. Votre messagerie aurait-elle des oreilles ?

La réglementation permettant la surveillance des employés par les entreprises entrera en vigueur au Royaume-Uni le 24 octobre, c’est le Financial Times qui le rapporte. L’accès aux e-mails comme aux appels téléphoniques sera permis et surtout les entreprises ne seront pas obligées de prévenir les employés de leurs pratiques. Face à cette mesure, les syndicats sont très critiques et ils envisagent d’invoquer la loi sur le respect des droits de l’Homme pour faire invalider cette décision.

Aux Etats-Unis, une étude de l’American management association menée cet été révèle des chiffres étonnants : 38 % des sociétés surveilleraient les courriers électroniques de leurs employés en comparaison des 73 % qui scrutent un ensemble de données provenant à la fois des e-mails, d’Internet ou des communications téléphoniques. Dans le pays des libertés individuelles, l’employeur doit prévenir ses salariés s’il les espionne. Un projet de loi très populaire qui visait à réglementer plus précisément ces pratiques devait être examiné par le Congrès américain il y a une quinzaine de jours, mais il serait finalement « passé à la trappe » au dernier moment.

Dans l’Hexagone, les e-mails tombent sous le coup de la loi sur la correspondance, et les entreprises sont tout à fait autorisées à surveiller les courriers électroniques de leurs employés, à condition de les avoir prévenus. Mais la situation est loin d’être claire. En effet, un jugement du tribunal des prud’hommes a mis en évidence l’absence de règles claires sur la question. Une salariée contestant une sanction de son employeur qui lui reprochait d’utiliser son e-mail à des fins non professionnelles durant ses heures de travail a été déboutée. La personne en question reprochait aux dirigeants de l’entreprise de ne pas avoir prévenu les employés de leurs pratiques. Mais les prud’hommes n’ont pas considéré ses arguments et ont confirmé la sanction, jugeant qu’il y avait bien eu faute commise par la salariée, ne statuant pas sur l’éventuelle faute des employeurs.

Mais un autre jugement devrait clarifier la situation en créant une jurisprudence en France, sur la question de savoir si un e-mail est bien une correspondance. L’AFP rapporte en effet l’histoire d’un ancien élève d’une école d’ingénieurs de Paris qui a porté plainte contre des responsables de l’établissement dont il a été renvoyé. Plusieurs chefs d’accusation étaient évoqués par l’ex-étudiant qui s’estimait victime de discrimination, mais seul celui d' »atteinte au secret des correspondances » a été retenu, car les responsables mis en cause avaient ouvert ses e-mails. La décision du tribunal sera rendue début novembre.

On attend aussi une recommandation de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) sur la « cybersurveillance des salariés en entreprise » en général. La Commission a engagé des consultations dans le cadre d’une étude d’ensemble sur ce sujet sensible. Dans son 20ème rapport annuel, elle indique que « cette initiative porte la marque d’une conviction  celle que l’entrée de nos pays dotés d’une législation de protection des données dans la société de l’information ne saurait se faire sans les utilisateurs de ces nouveaux outils, ni si ces outils suscitent la méfiance des salariés. »