Le peer-to-peer gagne une bataille juridique

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Un juge fédéral californien a rendu un jugement inattendu en déboutant les représentants des industries musicale et cinématographique de leur plainte contre les systèmes de partage de fichiers. Une victoire temporaire pour les partisans du peer-to-peer.

Coup dur pour la RIAA (Recording industry association of America et la MPAA (Motion picture association of America), les deux associations lobbyistes des industries musicale et cinématographique américaines. Alors que leur croisade contre le piratage volait de victoire en victoire, leurs membres viennent d’être déboutés dans un procès qui les opposait à Morpheus (édité par Streamcast Networks) et Grokster, deux systèmes d’échange gratuit de fichiers (peer-to-peer). Le plus populaire d’entre eux, Kazaa, fait également l’objet de poursuites dans le cadre d’une autre procédure judiciaire (voir édition du 29 janvier 2003).

Vendredi 25 avril, un juge fédéral de Californie a donc estimé que les applications impliquées n’étaient pas très différentes des photocopieurs ou magnétoscopes qui permettent également d’obtenir des copies (certes dégradées) et, à ce titre, d’enfreindre les droits d’auteur. Le juge Stephen Wilson a également ajouté que Grokster ou Morpheus pouvaient tout à fait être utilisés de manière légale pour diffuser des bandes-annonces, des chansons gratuites et tout autre contenu libre de droits comme nombre de textes et musiques tombés dans le domaine public. Tout en reconnaissant la responsabilité des utilisateurs de logiciels peer-to-peer, le juge a ainsi rejeté la demande des plaignants qui réclamaient notamment la fermeture pure et simple des services d’échange.

Le cas Sony« La Cour n’ignore pas que la défense aurait intentionnellement structuré son modèle économique afin d’éviter d’avoir à assumer la responsabilité du non-respect des droits d’auteur, tout en bénéficiant des profits tirés de cette activité », lit-on en conclusion du jugement. Le juge n’est donc pas dupe et a très bien compris l’usage qui est fait des logiciels incriminés, à savoir la copie illégale d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. Selon les industriels, ces pratiques ont considérablement fait chuter leur chiffre d’affaires (voir édition du 2 avril 2003). Mais le magistrat s’appuie sur l’exemple du procès intenté à Sony dans les années 80. Accusé de favoriser la copie illicite de programmes audiovisuels via ses magnétoscopes, le constructeur nippon s’était défendu en faisant remarquer que l’usage illégal de ses produits ne justifiait pas une interdiction de la technologie. Un peu comme si on interdisait aux constructeurs automobiles de vendre des voitures sous prétexte que leurs clients ne respectent pas les limitations de vitesse… Le défunt Napster, ancêtre des logiciels d’échange, n’avait pourtant pas bénéficié de cette logique judiciaire.

Si les plaignants se disent satisfaits par la lucidité de la cour – à savoir la reconnaissance de la responsabilité des internautes et de leur comportement illégal – ils rejettent totalement le jugement. Dans un communiqué daté du jour même du procès, Hilary Rosen, la présidente de la RIAA, a clairement annoncé son intention de faire appel. Un sursis pour Grokster et Morpheus…