Le téléperquisition, ça existe déjà en France!

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La télé perquisition est déjà pratiquée dans l’hexagone mais dans un cadre légal bien défini soumis aux autorités judiciaires. C’est pourquoi la plupart des acteurs de l’Internet français sont plutôt contre les propositions du Conseil de l’Europe et des Etats Unis qui souhaitent mettre en avant les principes d’extraterritorialité pour la criminalité sur le réseau. En France, on préfère parler de collaboration accrue entre états.

Les micro ordinateurs des internautes français peuvent déjà être perquisitionnés à distance par les autorités hexagonales compétentes en matière de criminalité informatique. Mais toutes les procédures utilisant des méthodes d’accès et d’intrusions distantes sous soumises à la délivrance d’injonctions judiciaires par un juge d’instruction. En revanche, pour le moment, la téléperquisition trans-frontière que préconise le Conseil de l’Europe (voir édition du 3 mai 2000) n’a aucun fondement légal et est considérée par la loi française comme un délit (intrusion dans un système informatique). Si ce genre de méthode est très largement encouragé par les Etats Unis, et en particulier par ses agences de renseignements (FBI, CIA, NSA), elles sont loin de faire l’unanimité dans notre pays.

Le commissaire divisionnaire Pierre Novarro est conseiller technique à la Direction Générale de la Police Judiciaire (DGPJ) et chef du Bureau de Défense. Lors d’une interview, il nous expliqué la position officielle de l’état français en matière de cybercriminalité. « Nous nous en tenons aux lois en vigueur, mais la voie de coopération classique entre pays nous semble préférable aux recommandations du Conseil de L’Europe. Lors d’une affaire multinationale, nous sollicitons les autorités du pays concerné qui opèrent alors suivant leur législation. Ce système fonctionne, il mérite simplement d’être un peu accéléré. Aujourd’hui, nous n’intervenons pas directement sur des territoires étrangers et nous ne souhaitons pas que des services étrangers interviennent sur le territoire français. En France, nous ne faisons que respecter la loi qui permet de perquisitionner ou de remonter jusqu’à un utilisateur final si un juge nous le demande« . Si le commissaire préférerait que la situation reste telle qu’elle est actuellement, il avoue que si les propositions du Conseil de l’Europe sont acceptées, ses services s’adapteront en conséquence, des officiers possédant déjà les compétences nécessaires pour pratiquer ce hacking légal.

Chez les fournisseurs d’accès le discours est a peu près le même, le cadre juridique actuel étant déjà relativement efficace. En revanche l’intervention directe de forces de l’ordre étrangère est inacceptable, nous a déclaré Jean Christophe le Toquin, délégué permanent de L’AFA (Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet). « Si la perquisition d’une machine est quelque chose qui a déjà un cadre légal pour la justice et la police française, et qui a déjà été pratiqué, l’intrusion d’autorités étrangères dans nos systèmes est inacceptable. La création de point de contact entre services de polices nationaux est préférable et permettrait d’accélérer la coopération ». Un point de vue que partagent nombre de professionnels, satisfaits du système en place.

Dans cette histoire, c’est la vie privée des internautes qui risque d’être la seule victime. En effet, les Etats Unis font pression sur leurs alliés, et si l’unanimité se fait autour de l’intrusion « sauvage », tous les membres du Conseil de l’Europe seront obligés de suivre les directives en ce sens. Ces questions d’intrusion à distance devraient être un des points d’intérêt majeurs du prochain sommet du G8, qui se tiendra à la mi-mai à Paris.