Les communes veulent leur boucle locale

Mobilité

Plusieurs collectivités territoriales menacent de porter plainte contre France Télécom auprès de la Commission européenne. Elles souhaitent mettre fin au monopole sur la boucle locale pour construire leurs réseaux à haut débit.

L’Internet à haut débit est devenu un enjeu stratégique pour les communes et la nouvelle vache à lait de France Télécom. « A l’étranger, des débits 100 fois supérieurs sont offerts aux entreprises pour des prix 4 à 5 fois moindres qu’en France », accuse Charles Choné, président de la communauté urbaine du Grand Nancy. Pour protester contre l’impossibilité de créer leurs propres réseaux à large bande, plusieurs représentants des collectivités territoriales (le Sipperec, l’Avicam et les villes de Toulouse et Nancy) ont écrit le 22 novembre 1999 au Premier ministre Lionel Jospin pour lui proposer sept recommandations afin de modifier une réglementation largement favorable à l’opérateur historique. Mieux, les communes vont saisir la Commission européenne pour augmenter leurs chances d’accéder bientôt à la boucle locale.

« Près de deux ans après l’ouverture du marché français des télécommunications, la concurrence se limite aux liaisons à longue distance et à la téléphonie mobile », résume un communiqué des élus. On s’en souvient, en mars dernier, le tribunal administratif de Nancy avait interdit à la communauté urbaine du Grand Nancy le déploiement d’une boucle en fibre optique destinée aux entreprises locales, aux universités et aux hôpitaux. L’argument principal avancé par le tribunal invoquait l’absence de constat de carence des offres privées. Problème, le terme qui apparaît avec la loi sur l’aménagement du territoire du 29 juin 1999, apparaît assez flou. « Chacun a sa propre définition de la carence », explique Danièle Blangille, déléguée générale de l’Avicam (Association des villes câblées et multimédia).

En Ile-de-France, le syndicat de la périphérie parisienne Sipperec, qui gère des services d’électricité et de télécommunications, devra essuyer les plâtres en démontrant à sa manière la carence des acteurs privés de la petite couronne, dans un dossier prévu pour la mi-2000. Le syndicat souhaite mettre en place un réseau à haut débit couvrant 80 communes sur une distance totale de 175 kilomètres. Ce réseau, dont la construction doit démarrer après l’été 2000, sera à terme étendu à 48 autres communes pour une longueur totale de 325 kilomètres.

Un deuxième point de la loi du 29 juin 1999 freine les communes qui souhaitent développer leur propre réseau. Il impose aux collectivités un délai d’amortissement d’infrastructures de 8 ans au maximum. Une décision complètement arbitraire aux yeux des élus. « Pourquoi huit ans  ? Nous sommes restés bouche bée en découvrant cette durée, proposée quelques jours avant l’adoption du projet de loi », s’étonne encore Danièle Blangille. Pour France Télécom, l’amortissement s’étend jusqu’à 20 ans, à en croire Charles Choné cité par l’AFP.

Dans leur lettre à Lionel Jospin, les responsables proposent de modifier la loi pour développer les services Internet sur le territoire, en défendant par exemple des liaisons à 2,5 gigabits/s pour l’ensemble des services publics et des établissements d’enseignement. Une idée qui répond en écho aux ambitions d’une nouvelle société de l’information, évoquée à grand renfort de publicité il y a quelques mois à Hourtin. Pour ajouter à la pression, un dossier en recours sera envoyé dans les prochaines semaines à la Commission européenne. En obtenant l’application réelle des directives liées à la libéralisation dans le droit français, c’est le dernier pan du monopole France Télécom qui s’abattrait.

Pour en savoir plus : Sipperec