Les FAI présentent leurs arguments à Nicole Fontaine

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La ministre déléguée à l’Industrie, qui défend la loi sur la confiance dans l’économie numérique, recevait les fournisseurs d’accès. Si elle a prêté attention à leurs arguments contre les mesures de filtrage et de surveillance du réseau, elle n’a rien promis.

Comme prévu (voir édition du 15 janvier 2004), Nicole Fontaine a rencontré les fournisseurs d’accès (FAI) lundi 19 janvier 2004. Après s’être adressés à la presse (voir édition du 13 janvier 2004), les prestataires techniques ont rappelé à la ministre déléguée à l’Industrie leurs inquiétudes face aux mesures de filtrage et de surveillance qu’imposerait la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) que les députés ont votée en deuxième lecture le 8 janvier 2004 (voir édition du 9 janvier 2004).

Les risques d’une « censure technologique »« Elle a écouté nos arguments mais ne nous a rien promis », relate Stéphane Marcovitch, délégué général de l’association des fournisseurs d’accès (AFA). Des arguments qui portent notamment sur la quasi-impossibilité de surveiller a priori les contenus mis en ligne et de filtrer les accès au Web. « Nous pouvons améliorer notre lutte contre les contenus illicites mais nous refusons d’entrer dans une logique de surveillance », rappelle le délégué. Ne serait-ce que pour des raisons pratiques : « Si l’on met en place des solutions logicielles de surveillance, on court le risque d’une censure technologique. » Comment, en effet, une application informatique pourra-t-elle distinguer des données à caractère négationniste (pour prendre un exemple de contenus illicites) d’un travail traitant du négationnisme ? Seule l’analyse humaine est en mesure de le faire mais l’investissement en personnel se révèlerait trop onéreux pour les FAI qui hébergent jusqu’à trois millions de pages personnelles et de forums.

Quant au filtrage du Net, le porte-parole de l’AFA rappelle que ces barrières « sont contournables par n’importe quel internaute même débutant ». Les FAI s’appuient notamment sur deux études réalisées par le Canada et l’Australie qui ont conclu à l’inefficacité des mesures de filtrage. « Il faudrait refondre l’architecture du Réseau », explique Stéphane Marcovitch, « cela demanderait des dizaines de millions d’euros d’investissement qui, à terme, rejailliraient sur la facture de l’internaute. » Surtout, les FAI ont insisté auprès de Nicole Fontaine pour que l’industrie musicale, à l’origine des points litigieux du texte de loi, prenne ses responsabilités en agissant directement auprès des internautes qui diffusent massivement des oeuvres protégées par le droit d’auteur et en ouvrant ses catalogues aux diffuseurs. « L’internaute cherche l’exhaustivité », estime le porte-parole de l’AFA, « s’il ne trouve pas ce qu’il cherche sur eCompil ou OD2, il retourne sur Kazaa. » Un arsenal juridique suffisant

Quant à l’idée, émise par certains professionnels du disque, de taxer les débits sortants (l’upload ) pour pénaliser les diffuseurs, Stéphane Marcovitch y est radicalement opposé : « Ça n’a pas de sens. Cela revient à intervenir sur les offres commerciales des FAI. Dans ce cas, nous pensons qu’il faut baisser le prix du disque ». Plus concrètement, aux yeux des FAI, l’industrie du disque doit évoluer avec le marché et « arrêter de s’accrocher à un modèle de distribution physique vieux de plus de vingt ans », d’autant que la « législation française dispose déjà des textes parmi les plus sévères d’Europe pour lutter efficacement contre la contrefaçon ».

Les FAI ne sont pas les seuls à se montrer critiques envers la LCEN. Dans un communiqué daté du 9 janvier 2004, un collectif d’hébergeurs français (composé de Monaco Internet, Ovanet, EuropeanServers, Nexen Services, Venigo, HFrance, Oxymium, Digital Rural Informatique, Azuria et GIR-Telecom) a apporté son soutien aux actions de l’AFA et d’Odebi. Le collectif explique notamment que les mesures de filtrage et de surveillance « seraient à la fois attentatoires aux droits fondamentaux des internautes, inefficaces, contre-productives, inapplicables et catastrophiques économiquement » et rappelle que les « les sites nazis ou pédophiles ne sont pas hébergés en France, car les hébergeurs français ont l’obligation de donner l’identité de leurs clients sur réquisition de la justice ». Et d’ajouter : « Si cela arrivait, nous ne souhaitons pas qu’un tel site soit simplement fermé par l’hébergeur mais que ses auteurs soient poursuivis en justice, comme le prévoit la législation actuelle. » Autant d’arguments auxquels les sénateurs, qui examineront le nouveau texte de la LCEN le 6 février prochain, ne devraient pas rester insensibles.